Prendre ses affaires en main
L’auteure Karman Kong veut transmettre aux femmes les bases de la finance ainsi que de l’investissement
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Sur Instagram, « Elle investit » est suivi par des milliers de personnes qui apprennent les finances et l’investissement en mode ludique, sur fond rose bonbon.
La suite logique pour l’auteure Karman Kong ? Un livre. Conçu pour elle, mais aussi fort pour lui, ce guide permet d’acquérir les bases de la finance pour prendre ses affaires en main. Entrevue avec Mme Kong, avocate fiscaliste qui écrit dans ses temps libres*.
Q : Pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?
R : J’ai découvert les finances personnelles à 28 ans, quand j’ai hérité d’un montant d’argent, dont je ne savais pas quoi faire. Je suis partie de zéro connaissance, j’ai lu énormément et me suis aperçue que les femmes autour de moi se posaient les mêmes questions. Elles ont peur d’être jugées, dans ce milieu traditionnellement masculin – avant 1964, les femmes au Québec ne pouvaient pas ouvrir un compte de banque ! En m’informant, j’ai compris que l’argent pouvait travailler à ma place. Avant mes 28 ans, je vivais d’une paie à l’autre et ne voyais pas la nécessité d’épargner. Je pensais que la seule option était de placer de l’argent dans un compte de banque à « intérêts élevés », fixés alors à 0,2 %. Quand j’ai compris que des personnes ordinaires pouvaient investir à la Bourse, ma vision des choses a changé. Et encore plus quand j’ai saisi le pouvoir des intérêts composés, donc le principe que l’argent peut travailler à ma place.
- Écoutez l'entrevue avec Karman Kong à l’émission de Sophie Durocher diffusée via QUB radio :
Q : Avant d’aborder l’investissement, vous proposez les bases des finances personnelles, comme le budget. Pourquoi ce préambule avant d’entrer dans le vif du sujet ?
R : Ce livre est à l’image de mon parcours. À 28 ans, je n’avais jamais fait un budget et ne savais pas exactement ce que ça exigeait. Je ne suis pas la seule qui doive partir de zéro. Pour arriver à investir, c’est bien de voir nos dépenses. Et je propose de considérer l’investissement comme un poste de dépenses. Il faut dégager une marge et prioriser un montant destiné à l’épargne avant de penser à l’investissement ; c’est la base. Je prends le lecteur par la main. S’il ne part pas de zéro, comme moi, tant mieux, mais je ne veux laisser personne de côté. J’ai ressenti beaucoup d’anxiété avec mes finances personnelles au début, puis j’ai trouvé l’équilibre. Je me gâte et ne propose à personne de porter des bas troués ! Ni de se demander si on a vraiment besoin de ce qu’on achète. Ma question : est-ce que tes dépenses s’alignent avec tes valeurs ?
Q : Vous avez été agacée par la manière dont on parle des finances aux femmes. Qu’avez-vous voulu éviter ?
R : C’est souvent moralisateur. « T’achètes trop de café. » « Tu dépenses trop d’argent. » C’était vrai pour moi, mais on ne m’a jamais enseigné la contrepartie : ne pas acheter de café et utiliser l’argent économisé tous les jours et l’investir, puis pouvoir acheter une maison dans quelques années. La culpabilisation devient anxiogène. Alors que d’économiser pour réaliser un objectif est motivant. Il y a un discours ambiant au sujet des femmes, comme si elles étaient mauvaises pour gérer leurs finances. C’est un mythe. Quand les femmes commencent à investir, elles obtiennent de meilleurs résultats que les hommes, selon une étude de Fidelity. Elles ont moins tendance à spéculer. Elles vont investir sur le long terme et prennent des risques calculés. C’est encourageant.
Q : Qu’est-ce qui a cassé votre peur d’investir en Bourse et de choisir ce véhicule d’investissement ?
R : Comprendre la différence entre spéculer et investir. Nous sommes plusieurs à imaginer la Bourse comme le casino, avec un grand risque de pertes. Un jour, j’ai compris qu’investir à la Bourse, c’est devenir propriétaire d’entreprises et qu’on peut mitiger le risque en diversifiant ses actifs. Les gens qui ont perdu beaucoup en spéculant, ce sont souvent des gens qui ont concentré leurs investissements dans une seule entreprise.
L’autre élément qui m’a aidée a été de comprendre l’historique de la Bourse et de ses cycles. C’est un peu comme les saisons, ça revient.
Q : Choisir un conseiller pour ses finances, ce n’est pas facile. Comment faire le bon choix ?
R : Je propose de s’informer d’abord. Il est difficile de faire confiance si on ne comprend pas soi-même les bases des finances. Confier ses placements à un conseiller, c’est tout à fait logique. Mais on doit pouvoir lui poser les bonnes questions. Comprendre le rendement de la Bourse et savoir ce qui est normal selon son profil d’investisseur est essentiel. Souvent, des gens moins tolérants au risque se font conseiller de placer leur argent dans un certificat de placement garanti (CPG) qui rapporte peu. Pourquoi n’explique-t-on pas à un jeune que placer son argent à la Bourse pendant longtemps n’est pas un grand risque, car historiquement, la Bourse a donné un rendement positif sur le long terme ? La peur peut être résorbée par les connaissances que l’on acquiert. Elles permettent des choix plus éclairés.
*Cette entrevue a été éditée, à des fins de clarté et de concision.