Hausse de la violence envers les parents, les experts inquiets
Depuis moins de trois mois, trois individus sont accusés ou soupçonnés d'avoir commis un parricide à Montréal.
Coup d'oeil sur cet article
Les homicides intrafamiliaux sont une tendance inquiétante à surveiller, préviennent des experts, alors que les cinq victimes de meurtre depuis le début de l’année à Montréal auraient été poignardées par un jeune membre de leur famille.
• À lire aussi: Carnage dans Rosemont: Arthur Galarneau accusé des meurtres non prémédités de ses parents et sa grand-mère
• À lire aussi: Un jeune cinéaste accusé pour le meurtre de sa mère à Montréal
• À lire aussi: Possible meurtre à Parc-Extension: la suspecte envoyée à Pinel
«Le triple meurtre à Rosemont, c’est déjà le troisième parricide depuis janvier. On voit une tendance à l’augmentation qui émerge, [d'où l']importance de se pencher un peu plus sur ce type de meurtres», indique la Dre Suzanne Léveillée, psychologue spécialisée en homicides intrafamiliaux.
Selon une recension du Journal, cinq personnes auraient été tuées dans un «parricide» sur l’Île de Montréal depuis le début de 2023. Ce type d’homicide se caractérise, par exemple, par le meurtre du père ou de la mère.
L’an dernier, sept personnes ont été victimes de ce type de crime dans l’ensemble de la province. Cette apparence de tendance à la hausse fait sourciller les experts.
«C’est vrai qu’il est moins fréquent de voir des parricides que des féminicides, mais ça arrive. C’est un phénomène qui est observé et qui est souvent lié à une problématique de santé mentale», souligne la Dre Ghayda Hassan, psychologue.
Santé mentale
La santé mentale est d’ailleurs au cœur de tous les parricides allégués commis depuis le début de l’année.
Emmanuel Gendron-Tardif, un jeune cinéaste de 28 ans, a été déclaré inapte à comparaître après avoir présumément poignardé à mort sa mère dans un appartement de la rue Fullum, dans Hochelaga, en janvier dernier. Il devrait être de retour devant le tribunal le 28 mars prochain, après avoir passé 30 jours en évaluation à l’Institut Pinel.
Amel Benali, 26 ans, est quant à elle soupçonnée, mais toujours pas accusée, d’avoir tué sa mère en février dernier dans leur appartement de Parc-Extension. Elle demeure pour l’instant à l’Institut Pinel où l'on évalue sa responsabilité criminelle. Elle devrait revenir en cour le 22 mars prochain.
Arthur Galarneau, âgé de 19 ans, a été accusé des meurtres non prémédités de ses parents et de sa grand-mère dans un duplex de Rosemont, vendredi matin. Malgré sa comparution le lendemain, on ignore toujours s’il sera évalué psychologiquement. Selon ses proches, le jeune homme serait toutefois médicamenté pour des problèmes de santé mentale.
Pour la Dre Léveillée, il est important de distinguer les différents types de parricides liés à la santé mentale, ce qu’elle appelle des «sous-groupes». Environ 40% des auteurs de parricide vont tuer dans un état délirant ou psychotique, explique-t-elle.
«D’un autre côté, 60% de ces gens-là vont tuer à cause d’autres problèmes psychologiques et [d']un déficit de contrôle des pulsions. Ça peut être à cause de conflits familiaux qui n’ont pas été nommés ou d’une rage accumulée», ajoute la psychologue.
Sensibilisation
Selon le Dr Pierre Faubert, psychologue spécialisé en «drames familiaux», il faudrait mettre en place un programme de sensibilisation à la santé mentale dans les classes des écoles secondaires pour tenter de contrôler le problème à sa source.
«Je ne parle pas ici d’un cours magistral, mais d’un cours sur la santé mentale qui serait au programme comme tous les autres cours, et qui encouragerait les échanges entre les élèves. L’enseignant pourrait alors aborder des sujets comme le triple meurtre à Rosemont dans un environnement sain et contrôlé», pense le docteur.
La Dre Hassan, elle, croit que la société n’est pas encore prête pour ce genre de cours dans les écoles. Elle suggère plutôt de concentrer les efforts sur la formation des intervenants en santé mentale et sur l’accessibilité des soins.
«Faire des formations comme ça dans les écoles sans offrir un accès facile aux soins de santé mentale ne va faire qu’augmenter la souffrance des adolescents», souligne la psychologue.
Quant à la Dre Suzanne Léveillée, elle pense qu’une nouvelle étude sur les homicides intrafamiliaux, et particulièrement les parricides, est nécessaire.
«Toute la question de la violence envers les parents, on n’a pas encore beaucoup travaillé là-dessus. Maintenant qu’on voit une tendance à l’augmentation, il faut se pencher sur ce type de crime», affirme-t-elle.
Cycle de la violence
Le Dr Pierre Faubert doute que la situation aille en s'améliorant.
«Notre culture est imbibée de la violence alimentée par les réseaux sociaux. On pense qu’on est imperméable à tout ça, jusqu’à ce qu’on entre en éruption parce qu’on a trop accumulé de violence en dedans», explique-t-il.
Ainsi, plus les événements violents sont nombreux, plus les gens accumulent de la rage et plus les chances qu’une escalade de violence survienne sont fortes, pense le psychologue, comparant ce cycle de la violence à un «cercle vicieux».