Il y a quelque chose de pourri au royaume du marché locatif
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Malheureusement, il arrive parfois que pour sortir les décideurs politiques de leur indifférence, il leur faille des tragédies et des morts.
Encore tout récemment, atterré par les attaques assassines de Laval et d’Amqui, le premier ministre François Legault a promis plus de ressources en santé mentale alors qu’il en manque gravement depuis belle lurette.
Cette semaine, une nouvelle question qui tue. L’incendie meurtrier dans un édifice patrimonial du Vieux-Montréal obligera-t-il les autorités politiques à sévir enfin contre les milliers de logements Airbnb illégaux qui, depuis des années, se multiplient à une vitesse folle ?
Le propriétaire de l’édifice, un avocat du nom d’Emile-Haim Benamor, est en effet un des nombreux propriétaires qui, à Montréal comme en région, exploiteraient illégalement des logements Airbnb. Ce que son avocat, en entrevue à TVA, niait hier.
Depuis l’apparition de cette plateforme, ils le font sous le regard absent de la Ville de Montréal, du gouvernement et de Revenu Québec – tous occupés à se délester les uns sur les autres de leurs responsabilités.
On dirait les fameux trois petits singes : ne rien entendre, ne rien voir et ne rien dire pour ne pas avoir à intervenir réellement. Plus de 95 % des plus ou moins 14 000 unités Airbnb à Montréal sont pourtant illégales.
On sait aussi que la prolifération des locations Airbnb prive le marché locatif régulier de milliers d’apparts. Ce qui en fait un des principaux carburants de la crise effarante du logement.
Au pays des « Cépanous »
Il y a deux semaines, au sujet du fiasco à la SAAQ, je signais une chronique sur ce même phénomène de déresponsabilisation. Je l’avais baptisé le pays des « Cépanous ». En voilà bien une énième récidive.
L’édifice d’Emile-Haim Benamor, propriétaire aussi d’autres logements à Montréal, avait-il des issues de secours, des gicleurs ou des alarmes ? L’enquête le déterminera. Il semble par ailleurs que certaines de ses unités n’avaient même pas de fenêtres.
Ce qui, pour ces locateurs, pris en souricière dans les flammes, les a condamnés à une des morts les plus atroces qui soient.
Au moment d’écrire ces lignes, il y a neuf blessés, une femme dont le décès a été confirmé, plusieurs autres disparus et combien de familles et de proches traumatisés ?
Ailleurs, dont Toronto, Vancouver et la Californie, les décideurs politiques ont pourtant agi résolument pour contrôler la jungle Airbnb. Et ça fonctionne...
Qu’attend-on pour sévir ?
À l’opposé, depuis des années, au Québec et à Montréal, les autorités politiques, de gauche, de centre ou de droite, lui ont laissé le champ presque entièrement libre. À preuve, la prolifération débridée des locations Airbnb illégales.
Des ministres concernés à la mairesse de Montréal à qui cet incendie, dit-elle, « arrache le cœur », les messages de condoléances aux familles des victimes sont les bienvenus.
Ce qui serait toutefois plus utile serait d’agir pour empêcher des propriétaires d’exploiter illégalement des « unités » Airbnb et forcer celle-ci à refuser toute annonce sans certification légale.
Idem pour les rénovictions abusives. Depuis près de 15 ans, elles pullulent au Québec. On sait pourtant qu’elles multiplient aussi les drames humains, font grimper les loyers, privent le parc locatif normal de bons logements en plus de servir à créer des « unités » Airbnb illégales.
Hormis pour les « petits » propriétaires honnêtes, il y a quelque chose de vraiment pourri au royaume du marché locatif. Quand la rapacité des uns rencontre l’inaction des décideurs, sur le plan social, le cocktail est explosif.
L’incendie meurtrier du Vieux-Montréal en est l’aboutissement extrême. Que faudra-t-il de plus pour que les autorités prennent enfin le taureau par les cornes ? Leadership politique urgemment recherché...
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