La télé est au bord du gouffre
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La télévision anglophone a déjà un pied dans le vide et notre télé québécoise est au bord de l’abîme.
Comme pour les changements climatiques, on soupçonne les malheurs qui guettent notre télévision, on en parle, mais on ne fait pas grand-chose pour éviter la tragédie. Au Canada anglais, la situation de la CBC est dramatique. D’autant plus que c’est le seul réseau qui se donne vraiment la peine de diffuser des émissions originales. À peine 5 % d’écoute malgré les centaines de millions d’argent public qu’on consacre à la CBC. Si bien que Pierre Poilièvre, chef du parti conservateur, sait très bien qu’il peut promettre la disparition de la CBC sans perdre de votes.
Au Québec, on se targue des succès de notre télévision. On regarde même avec une certaine insolence les malheurs de la télévision anglophone. On oublie qu’au Canada anglais, la télévision est en concurrence directe avec celle des États-Unis. C’est une situation unique au monde. À titre d’exemple, quel serait l’état de notre télévision si c’était la France que le Québec avait comme voisine plutôt que l’Ontario ? Si TVA devait concurrencer directement TF1 ?
Rentabilité
Au Canada anglais, aucune émission n’attire assez de revenus publicitaires pour rembourser ses coûts de production. Il ne saurait être question du moindre profit pour n’importe quel genre d’émission, sauf certaines émissions sportives. En d’autres termes, si CTV et Global ne diffusaient pas d’émissions américaines, elles auraient depuis longtemps mis la clé sous la porte. Malgré des centaines de millions d’argent public, la CBC n’arrive pas davantage à concurrencer la télé américaine.
La montée en puissance des géants du numérique, Netflix, YouTube, Disney et les autres, a coupé les ailes de la télévision anglophone et met sérieusement en danger la télévision québécoise. Les géants du numérique accaparent entre 75 à 80 % de toute la publicité canadienne. La publicité était vitale non seulement pour notre télévision, mais pour tous nos médias. Depuis que nos annonceurs ont migré vers les géants américains, c’est toute notre infrastructure médiatique qui s’effondre. Les journaux et les magazines ferment, les radios périclitent et nos réseaux de télévisions étouffent.
C’est dire l’inconscience crasse des sénateurs qui ont retardé l’adoption du projet de loi C-11 qui obligera les géants à contribuer à notre système de radiodiffusion. Ils ne manqueront non plus de mettre des bâtons dans les roues du projet C-18, qui obligera les géants à compenser nos médias d’information pour les profits qu’ils tirent de la diffusion de leur contenu.
Tous concernés
Chaque jour où les géants du numérique continuent d’exploiter nos ressources publicitaires sans aucun retour de leur part, les médias canadiens qui ont résisté jusqu’ici font un pas de plus vers la faillite, malgré toutes les béquilles que les gouvernements ont mises à leur disposition. Les béquilles sont nombreuses : des centaines de millions en crédits d’impôt, un demi-milliard du Fonds des médias et de divers Fonds indépendants dont celui des petits marchés et celui pour les nouvelles locales. Sans compter 1,2 milliard de dollars du fédéral pour CBC/Radio-Canada.
Nous sommes tous concernés par l’enjeu que représentent l’adoption et l’entrée en vigueur de ces deux lois. Si les géants du numérique ne laissent pas bientôt au Canada un certain pourcentage des revenus qu’ils font ici, il faudra tôt ou tard oublier la télévision que l’on connaît et l’information que l’on reçoit. Ainsi disparaîtront notre identité et notre culture.