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Radié à vie en Saskatchewan, un dentiste pratique dans les pénitenciers du Québec

Le Dr Raymond Abouabdallah a fait une soumission de 21 000 $ à un détenu

Pénitencier de Drummondville
Photo Marc Sandreschi Le Dr Raymond Abouabdallah pratique en moyenne une fois par semaine au pénitencier de Drummondville.

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Un dentiste radié à vie en Saskatchewan pour avoir surfacturé et pratiqué des soins inutiles à un patient travaille dans au moins deux pénitenciers du Québec, où il fait l’objet d’une plainte pour une soumission jugée exagérée. 

Le Dr Raymond Abouabdallah s’est fait interdire de pratiquer à vie en Saskatchewan par le Comité des chirurgiens-dentistes de cette province en 2012. Ceci ne l’a cependant pas empêché de continuer sa pratique dans les pénitenciers de Drummondville et Cowansville pour le Service correctionnel Canada (SCC).

À l’époque, Abouabdallah avait subi les foudres du syndic qui l’avait qualifié « d’indigne à la profession » (traduit de l’anglais), peut-on lire dans une décision du syndic. 

L’ordre professionnel lui avait reproché d’avoir laissé un patient en très mauvais état, de lui avoir prodigué des traitements non nécessaires et de lui avoir facturé des soins non pratiqués, le tout pour la rondelette somme de 148 000 $.

Aujourd’hui, Abouabdallah fait l’objet d’une controverse après avoir fait une soumission à un détenu de l’Établissement de détention de Drummondville pour un traitement dont les frais soulèvent des questions. Le détenu en question, Serge Pomerleau, faisait partie d’un trio qui s’était évadé du Centre de détention de Québec en 2014.

Plus de 4000 $ pour se déplacer

Dans cette soumission, le dentiste propose un traitement de plus de 21 000 $, notamment pour l’installation d’un pont fixe et pour ses déplacements avec ses assistantes, selon la soumission que nous avons pu consulter (voir photo).

Abouabdallah demande plus de 4000 $ pour se déplacer à Drummondville avec ses assistantes dentaires, même s’il y travaille déjà tous les vendredis pour traiter les détenus qui y sont incarcérés. 

Une copie de la soumission faite au détenu Serge Pomerleau dans laquelle le dentiste demande environ 4000 $ seulement en frais de déplacement pour lui et son personnel d’assistance.
Photo d'une source journalistique
Une copie de la soumission faite au détenu Serge Pomerleau dans laquelle le dentiste demande environ 4000 $ seulement en frais de déplacement pour lui et son personnel d’assistance.

Or, le prix soumis par Abouabdallah est encore plus inquiétant, car une autre dentiste a évalué l’ensemble des soins autour de 4000 $, selon son estimation écrite que nous avons pu consulter.

Au-delà de la polémique qui entoure le prix, l’avocate du détenu soulève une tout autre question : « Comment se fait-il qu’un dentiste radié à vie puisse travailler pour le gouvernement », questionne Me Marie-Claude Lacroix.

Serge Pomerleau, détenu
Photo d'archives, fournie par la Sûreté du Québec
Serge Pomerleau, détenu

Pas interdit au Québec

Bien qu'il a été radié en Saskatchewan, il est toujours membre de l'Ordre des dentistes du Québec et peut donc pratiquer ici.

Rejoint par notre Bureau d’enquête, Abouabdallah considère qu’il a fixé « son prix en fonction du travail à faire et du déplacement ». 

Il reconnaît travailler tous les vendredis à l’établissement de Drummondville, mais qu’il s’y déplace « pour faire des traitements de base qui sont moins complexes que ceux qu’il a offerts à ce détenu ». 

Le SCC affirme avoir le mandat de fournir des soins de santé essentiels et de faciliter l’accès à un dentiste en pratique privée pour les autres soins, précise Jean-François Mathieu du SCC.

Du côté de l’ODQ, le syndic Mario Mailhot explique que l’interdiction en Saskatchewan ne l’empêche pas de pratiquer au Québec, sans toutefois émettre de commentaires sur la plainte.  

Abouabdallah a aussi été radié au Québec en 1992 pour une durée de 4 mois. Selon une décision de l’Ordre des dentistes du Québec, il avait réclamé des honoraires pour services non rendus et falsifié des comptes. 

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