Comment voulez-vous mourir?
Coup d'oeil sur cet article
Comment voulez-vous mourir ? La question peut sembler brutale. Personne, pourtant, n’échappe à la mort. Sauf pour l’aide médicale à mourir (AMM), le choix vital du « comment », dans quelles conditions et où est néanmoins devenu factice.
Pourquoi ? Parce que les soins palliatifs, à domicile, à l’hôpital ou dans des maisons spécialisées, sont les parents pauvres du réseau de santé public.
Pour citer la Dre Geneviève Dechêne, dont c’est la cause : « 90 % des Québécois en fin de vie à domicile n’ont pas accès à une équipe médicale 24 heures en CLSC. Seuls 11 % des Québécois décèdent à domicile versus 30 % pour les autres Canadiens. Les cancres en soins palliatifs en milieu de vie, c’est le Québec. »
Un reportage de Radio-Canada confirme aussi que selon notre code postal, il peut même être impossible de recevoir des soins palliatifs chez soi.
Pendant ce temps, le Québec est devenu le champion des demandes d’aide médicale à mourir. Le manque flagrant d’accès aux soins palliatifs n’y est peut-être pas étranger non plus. Là-dessus, je persiste et signe.
Michelle Bourassa – je vous en ai déjà parlé ici – a sonné l’alarme. En début d’année, elle a raconté l’horrible fin de vie de sa maman, Andrée Simard, à l’hôpital St. Mary.
Veuve de l’ex-premier ministre Robert Bourassa, Mme Simard y a vécu trois jours de grandes souffrances, sous l’œil indifférent et parfois même agressif du personnel. Bref, dans la plus révoltante des indignités.
Pas un cas isolé
Depuis, sur sa page Facebook, Michelle Bourassa collige des témoignages similaires. Ils lui viennent de partout au Québec. St. Mary n’est pas un cas isolé.
Elle s’inquiète aussi de ce qu’elle appelle avec justesse le « burn-out compassionnel » d’une part croissante du personnel médical. Dit autrement, de la déshumanisation sourde du réseau de la santé.
Le Québec s’est pourtant doté d’une Loi sur les soins de fin de vie. Le problème est qu’autant sur le plan politique que social et médiatique, toute l’attention porte sur l’aide médicale à mourir et son élargissement continu.
L’accès aux soins palliatifs, pourtant l’aspect dominant de la loi, s’en trouve ignoré. Serait-ce aussi parce qu’ils commandent beaucoup plus de ressources humaines et financières que l’AMM, rapide et nettement moins coûteuse ?
De la naissance à la mort
Cette question, il est urgent que les Québécois et leurs élus se la posent. Que l’on soit pour ou contre l’AMM n’y change rien.
La rapidité avec laquelle nous avons déifié l’AMM, au détriment d’un accès élargi aux soins palliatifs, est troublante. La Loi prévoit pourtant un accès réel aux deux, selon le choix de la personne.
Notre fin de vie, qu’elle se mesure en jours, en semaines ou en mois, n’a-t-elle plus rien d’aussi sacré à nos yeux que notre naissance ?
Pour notre dernier passage sur terre, pourquoi n’avons-nous pas droit, tous et toutes, au même respect, à la même dignité, à la même humanité et aux mêmes ressources qu’au moment de notre arrivée en ce monde ?
Personne, citoyen ou élu, ne penserait à laisser une femme accoucher dans un corridor d’hôpital, seule, ignorée d’un personnel débordé et sans les soins spécialisés dont elle et son bébé ont besoin pour commencer une nouvelle vie.
Au Québec, on laisse pourtant trop souvent des femmes et des hommes agoniser et mourir dans un corridor d’hôpital, seuls, ignorés d’un personnel débordé et sans les soins palliatifs auxquels la Loi leur donne droit.
Qu’est-ce que cela dit de nous ? Pour faire mieux, pourrait-on se poser enfin la question ?