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Une cadre de la fonction publique écartée de son poste pendant son congé de maternité

Elle dénonce l’indifférence du gouvernement

Ancienne directrice des infrastructures et des immobilisations au ministère de la Culture, Pascale Demers ne se doute pas qu’elle ne réintégrera jamais ses fonctions lorsqu’elle part pour un congé de 
maternité en janvier 2019, alors enceinte de son deuxième garçon. On la voit avec ses fils, Jérémy et Jean-Thomas.
Photo Didier Debusschère Ancienne directrice des infrastructures et des immobilisations au ministère de la Culture, Pascale Demers ne se doute pas qu’elle ne réintégrera jamais ses fonctions lorsqu’elle part pour un congé de maternité en janvier 2019, alors enceinte de son deuxième garçon. On la voit avec ses fils, Jérémy et Jean-Thomas.

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Écartée de son poste durant son congé de maternité, une cadre du gouvernement dénonce l’indifférence des politiciens, alors que les femmes voulant fonder une famille doivent mener un combat pour faire respecter leurs droits dans la fonction publique.

Directrice des infrastructures et des immobilisations au ministère de la Culture et des Communications depuis trois ans et demi, Pascale Demers ne se doute pas qu’elle ne réintégrera jamais ses fonctions lorsqu’elle quitte pour un congé de maternité en janvier 2019, alors enceinte de son deuxième garçon.   

«Pour une femme, avoir des enfants et accepter des responsabilités dans la fonction publique, le bout que je connais, ce n’est vraiment pas évident! Tu es mise à l’écart parce que tu as décidé d’avoir des enfants et tu es jugée pour ça. Moi, en tout cas, c’est comme ça que je l’ai vécu», lance-t-elle.   

La mère de famille reproche entre autres à la ministre de l’époque, Nathalie Roy, d’avoir fermé les yeux. Pascale Demers a d’ailleurs avalé le morceau de travers lorsque la nouvelle présidente de l’Assemblée nationale a dit vouloir inspirer une nouvelle génération de jeunes femmes, dans une récente entrevue avec Le Journal.   

Ancienne directrice des infrastructures et des immobilisations au ministère de la Culture, Pascale Demers ne se doute pas qu’elle ne réintégrera jamais ses fonctions lorsqu’elle part pour un congé de 
maternité en janvier 2019, alors enceinte de son deuxième garçon. On la voit avec ses fils, Jérémy et Jean-Thomas.
Photo Didier Debusschère

«Bravo, vous avez des beaux principes, mais vous n’êtes même pas capable d’adresser une situation qui est dérangeante dans votre organisation, vous n’avez même pas prêché par l’exemple».

«Injustice»

Elle déplore également que l’ex-ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, avec qui elle s’est entretenue l’été dernier, n’ait pas levé le petit doigt pour que «l’injustice» dont elle a été victime soit reconnue.   

Comme la majorité des mamans du Québec, Pascale Demers entreprend des démarches pour obtenir une place en garderie en tout début de grossesse. On lui promet d’emblée une place pour son bébé à son retour au travail, prévu en janvier 2020. Mais lorsque son bambin a cinq mois, la place devient incertaine, ce qui pousse la mère de famille à envisager différentes possibilités. Elle se renseigne alors sur les congés différés auprès des Ressources humaines, sans jamais en faire la demande. Elle aura finalement la garantie quelques mois plus tard que son enfant pourra fréquenter le service de garde à son retour au ministère.   

Mais, en septembre, au beau milieu de son congé de maternité, elle reçoit un coup de fil de la directrice des Ressources humaines qui la prévient: un nouvel organigramme du ministère sera publié, mais son nom n’y figure plus.   

On lui retire son poste «pour assurer la continuité des dossiers». Pis encore, on n’a pas encore décidé où elle atterrira à son retour au travail. Choquée d’être «discriminée» de la sorte, Pascale Demers a de nombreux échanges avec son employeur, sans succès. Devant l’échec des discussions, elle dépose une plainte à la Commission de la fonction publique.   

Initialement prévues avant la fin de son congé de maternité, les audiences sont reportées à plusieurs reprises. La gestionnaire retarde donc son retour au boulot, car elle souhaite que le conflit soit réglé avant de reprendre le collier. Probablement une erreur de sa part, reconnaît-elle maintenant. Car la Commission finit par adhérer à l’argument du ministère et conclut qu’il s’agit d’un «conflit théorique» puisque Pascale Demers n’est pas revenue au travail. La Commissaire ne se prononcera donc jamais sur le fond, même si la directrice des Ressources humaines reconnaît durant les audiences que la fonctionnaire n’aurait pas perdu son poste si elle n'était pas partie en congé de maternité. Personne n’a donc été blâmé.   

«Les conditions de travail des cadres prévoient qu’un cadre doit être replacé dans son poste à son retour au travail, si son absence n’excède pas 52 semaines. Ainsi, si l’appelante voulait être replacée dans son poste ou être justifiée de l’exiger, elle avait l’obligation de revenir au travail avant l’échéance de la période de 52 semaines, ce qu’elle n’a pas fait», stipule la décision.   

Le «choc»

«J’ai eu un super gros choc à la suite de ça, confie-t-elle. J’étais furieuse, vraiment furieuse et, avec tout ça, j’avais une dette de plusieurs mois de sans solde».   

À son retour au ministère, elle est affectée au Secrétariat à la promotion de la culture québécoise. Une toute nouvelle fonction, sans équipe à diriger. Pour ajouter l’insulte à l’injure, son ancien poste est vacant. Elle postule, en vain. «Évidemment, ils ne me l’ont pas donné», se désole-t-elle.   

Pascale Demers est désormais directrice du Bureau de projet des Espaces bleus. Mais son bras de fer avec le ministère a laissé des traces. Elle est «brûlée». «J’ai renoncé à toute possibilité d’avancement. Les premiers mois, quand j’arrivais au ministère, je créais le malaise quand j’étais quelque part» se remémore-t-elle.   

Mais ce qu’elle ne pardonnera jamais, c’est l’impact de cette saga sur son congé de maternité, sensé profiter à la relation entre une mère et son petit.  

«Ça m’a scrappé mon congé de maternité, relate-t-elle. Je ne suis pas supposée avoir à me casser la tête [à savoir] si mon employeur va bien me traiter quand je vais revenir, surtout si je suis dans la fonction publique. C’est rentré dans ma tête et ça m’a empoisonné. À la maison, j’étais déconnectée de tout, j’étais isolée, je pouvais ruminer ça, ça me créait du stress, de l’anxiété, de l’insomnie, je n’étais même pas bien disposée pour m’occuper de mon bébé, ça m’avait scrappé ma paix d’esprit».   

Poste de même niveau

Au ministère de la Culture, on s’en remet à la décision de la Commission de la fonction publique. On ne fait pas de cas du fait que Pascale Demers ait été écartée de son poste durant son congé de maternité, puisque «l’employée est toujours à l’emploi du ministère et occupe un poste de même niveau, avec des responsabilités liées à ce niveau».   

Les directives applicables au personnel d’encadrement de la fonction publique prévoient qu’une employée récupère «les tâches et les mandats (l’emploi)» qu’elle avait à son retour de congé de parental, s’il n’excède pas un an. Si l’absence est supérieure à 52 semaines, «l’employeur peut modifier les tâches et mandats de l’employée à son retour dans la mesure où l’emploi qui lui est confié est jugé équivalent», plaide pour sa part le Secrétariat du Conseil du trésor.

CE QUE DIT LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL POUR LES CONGÉS DE MATERNITÉ/PARENTAUX

À son retour au travail, l’employeur doit réintégrer la travailleuse à son poste habituel et lui donner le salaire et les avantages auxquels elle aurait droit si elle n’avait pas quitté le travail.

CHRONOLOGIE DES ÉVÈNEMENTS

ÉTÉ-AUTOMNE 2018
Pascale Demers est directrice des immobilisations au ministère de la Culture et des Communications et tombe enceinte de son deuxième enfant 

31 JANVIER 2019
Naissance du bébé 

FIN JUIN 2019
Pascale Demers est informée que sa place en garderie prévue pour son retour au travail en janvier 2020 est finalement incertaine. Elle demande des informations à la direction des ressources humaines au sujet des congés différés, sans jamais en faire la demande 

25 SEPTEMBRE 2019
La directrice des Ressources humaines informe Pascale Demers par téléphone que son poste lui est retiré et qu’aucun autre ne lui est attribué pour l’instant  

11 OCTOBRE 2019
Pascale Demers rencontre Geneviève Vézina, directrice générale de l’Administration 

23 OCTOBRE 2019
Dépôt d’une plainte à la Commission de la fonction publique du Québec 

NOVEMBRE 2019
La garderie confirme une place au deuxième garçon de Pascale Demers en vue de son retour au travail en janvier 2020 

4 SEPTEMBRE ET 25 SEPTEMBRE 2020
Après plusieurs reports, audiences de la Commission de la fonction publique 

31 OCTOBRE 2020
La directrice des Ressources humaines informe Pascale Demers qu’elle intégrera l’équipe du Secrétariat à la promotion de la culture québécoise

2 NOVEMBRE 2020
Retour au travail de Pascal Demers, sans équipe

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