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Le bac brun fait peur dans les grands immeubles

Montréal veut étendre la collecte dans les tours à logements d’ici 2025

Le bac brun fait peur dans les grands immeubles
Anouk Lebel

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L’implantation de la collecte des résidus alimentaires cause des maux de tête dans les grandes tours à logements de Montréal, qui devront toutes se doter de bacs bruns d’ici 2025.

« Imaginez un immeuble où 400 personnes vont descendre leur compost en bas, la quantité que ça va faire. L’odeur dans le garage, ça va être épeurant », lance Jan Towarnicki, gestionnaire des Verrières sur le fleuve, dans le quartier de L’Île-des-Sœurs.

Dans ce complexe de cinq tours d’habitation de 18 à 27 étages, les résidents déposent leurs déchets dans une chute qui mène à un presse-rebut au sous-sol. Quant au recyclage, ils l’amènent eux-mêmes dans des bacs au sous-sol. 

M. Towarnicki voit mal comment ce système peut être adapté aux matières organiques.

« S’il faut que tout le monde se promène avec son sac de pelures de patates et de carcasses de poulet dans l’ascenseur, je ne pense pas que les gens vont être contents », lâche-t-il.

Le bac brun fait peur dans les grands immeubles
Anouk Lebel

Il devra vite trouver une solution, car Québec veut étendre la collecte des résidus alimentaires à toutes les municipalités d’ici 2025. 

À Montréal, tous les immeubles de neuf logements et moins ont accès au bac brun à l’heure actuelle.

Le déploiement est en cours dans les immeubles de neuf logements et plus, mais la Ville doit accélérer la cadence pour atteindre son objectif (voir plus bas).

Dans le néant

Le déploiement se fera cette année pour 92 000 unités situées dans une dizaine d’arrondissements, dont Verdun, où sont situées les Verrières sur le fleuve.

« On sait qu’il va y avoir un règlement, mais on ne connaît pas les détails. On est dans le néant », déplore M. Towarnicki.

Il affirme ne pas avoir de soutien de la Ville pour implanter un système efficace qui suscitera l’adhésion des résidents.

« Ce n’est pas qu’on ne veut pas composter, on veut le faire de façon la plus efficace possible. Si ça sent mauvais partout dans le garage, les gens ne seront pas heureux, ils vont abandonner », croit-il.

Denis Clavet, qui a implanté les bacs bruns dans son immeuble de 60 logements de l’est de Montréal il y a cinq ans, confirme que l’adhésion n’est pas gagnée d’avance. 

« On n’a pas la participation des 60 copropriétaires, peut-être 20 ou 25 », note celui qui siégeait au conseil d’administration du syndicat de copropriété lorsque la collecte a été organisée.

« Il y’en a peut-être encore qui ont le mythe que ça va sentir mauvais, ou ils ne veulent pas un autre élément à gérer dans leur vie quotidienne », spécule-t-il.

Pas d’espace

Pour le Regroupement des copropriétaires et des gestionnaires du Québec, la Ville ne tient tout simplement pas compte de la réalité des grands immeubles en copropriété.

« C’est complexe à mettre en place. Certains bâtiments n'ont pas été construits en tenant compte de ce type de récupération-là. Déjà, implanter le recyclage du papier, c’était un exploit », affirme le président Yves Joli-Coeur. 

« On oublie que ce sont des bénévoles qui sont sur les conseils d’administration, la Ville doit les aider, être en première ligne », insiste-t-il. 

Un défi de titan toujours loin d’être accompli

La Ville de Montréal est encore loin de son objectif d’étendre la collecte de résidus alimentaires à l’ensemble des immeubles de neuf logements et plus d’ici 2025, une tâche « titanesque », selon un expert. 

En tout, 92 000 unités d’habitation situées dans cette catégorie ont accès à la collecte, soit un quart des 350 000.  

​Le déploiement a commencé dans neuf des 19 arrondissements et doit se poursuivre en 2023 et 2024. 

« On déploie 100 000 portes en 2023, 100 000 en 2024 et on termine en 2025 », détaille la responsable de l’environnement au cabinet de Valérie Plante, Marie-Andrée Mauger. 

Elle souligne que le déploiement est terminé dans les unités de neuf logements et moins, de même que dans l’ensemble des cégeps ainsi que dans la moitié des écoles primaires et dans deux universités. 

Une tâche « titanesque »

« La Ville n’est pas en retard, mais on n’est pas non plus en avance », commence le directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.  

Selon lui, la tâche est « titanesque » dans la mesure où tous les immeubles n’ont pas été conçus pour accueillir la collecte des résidus alimentaires (voir autre texte). 

Mme Mauger indique que le service de l’arrondissement et les arrondissements sont responsables de s’entendre avec les gestionnaires pour trouver le meilleur moyen d’implanter la collecte. 

Elle soutient qu’il n’y a pas de solution « mur à mur » vu les réalités différentes des tours à condos par rapport aux plus petites copropriétés.  

Sensibilisation

Selon Karel Ménard, la sensibilisation demeure la clé pour encourager les citoyens à participer à la collecte. 

« Il n’y a pas de sources supplémentaires d’odeurs ou de nuisances. Ce qu’on demande, c’est une gestion plus raffinée, de gérer à la source, mais pour ça les gens manquent cruellement d’information », dit-il. 

Il rappelle que 7 % des gaz à effets de serre au Québec sont attribuables à l’enfouissement des matières organiques, qui ont pourtant le potentiel de devenir une plus-value si elles sont compostées ou transformées en gaz naturel. 

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