Réforme en éducation: qu’est-ce que ça va changer pour votre enfant?
Le projet de loi, qui prévoit d'importants pouvoirs au ministre, reçoit un accueil mitigé
Le ministre de l’Éducation a présenté jeudi un projet de loi qui vise à rendre le réseau scolaire «plus efficace». Bernard Drainville serre la vis aux centres de services scolaires en se donnant d’importants pouvoirs, améliore l’accès aux données et crée un institut d’excellence en éducation pour améliorer l’enseignement. Dans le réseau scolaire, plusieurs acteurs doutent que ce «rebrassage» ait un impact concret sur la réussite des élèves, comme le souhaite le ministre. Voici ce qui pourrait changer – ou pas – dans nos écoles.
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Un ministre très puissant
Ce projet de loi permet au ministre de nommer les futurs directeurs généraux des centres de services scolaires, mais aussi de les limoger et de même d’annuler une de leurs décisions pour imposer la sienne. «Ça vise à s’assurer qu’on ait un alignement clair et qu’on rame tout le monde dans la même direction», a affirmé M. Drainville, qui souhaite une plus grande cohérence entre les orientations gouvernementales et ce qui se passe dans les écoles.
Or plusieurs estiment que le ministre va beaucoup trop loin. Même l’ex-ministre Gaétan Barrette reconnaît qu'il ne s'était pas octroyé autant de pouvoir lors de sa controversée réforme du système de santé. Des partis d’opposition estiment que le ministre s’attribue des pouvoirs de «monarque», puisque les directeurs généraux ne pourront plus critiquer le gouvernement sans risquer de se faire congédier.
À la Centrale des syndicats du Québec, on considère que Québec ne s’attaque pas aux vrais problèmes. «Qu’est-ce que ça va changer pour la pénurie de personnel et la réussite des élèves? À première vue, on est encore dans le brassage de structure», déplore son président, Éric Gingras. Un avis partagé par Jean Bernatchez, professeur à l’Université du Québec à Rimouski, qui considère que ces changements auront «assez peu d’impact» au quotidien pour les élèves, tout en instaurant un «devoir de loyauté exagéré» envers le ministre.
- Écoutez l'entrevue avec Bernard Drainville, le ministre de l'éducation et député de Lévis à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
Des données pour mieux décider
Un peu comme Christian Dubé l’a fait en santé, Bernard Drainville veut se doter d'un «tableau de bord» pour mieux évaluer la performance du réseau scolaire et la réussite des élèves. Ces nouvelles données, qui seront disponibles en temps réel, permettront par exemple d’identifier des classes où les résultats en français sont trop faibles par rapport à la moyenne provinciale après le premier bulletin, afin d’intervenir plus rapidement, a expliqué le ministre.
L’initiative est saluée par plusieurs, mais reste à voir si les résultats seront au rendez-vous. «Avoir plus de données, concrètement, c’est une bonne chose, mais ça ne vient pas régler la pénurie et le problème de ressources», affirme le président de la Fédération des comités de parents du Québec, Kévin Roy.
Ce dernier espère que ces données permettront de démontrer qu’il y a des «trous» lorsqu’on tient compte des besoins des élèves et des ressources disponibles. «L’enjeu, c’est de voir comment tout ça sera mis en œuvre», dit-il, alors que d’autres s’inquiètent de la microgestion qui pourrait être faite à partir du cabinet du ministre.
La Centrale des syndicats du Québec y voit aussi de possibles «dérives». Le ministre pourrait être tenté de déplacer des ressources dans des classes où les élèves réussissent moins bien, ce qui pourrait créer d’autres problèmes ailleurs dans un contexte de pénurie, souligne Éric Gingras.
- Réforme Drainville : Écoutez la rencontre Lisée - Mulcair sur le sujet entre autres avec Richard Martineau diffusée via QUB radio :
La science dans la classe
Le gouvernement Legault crée également un nouvel organisme, l’Institut national d’excellence en éducation, pour «améliorer l’enseignement dans les classes». Cet organisme permettra de «regrouper en un seul endroit les meilleures recherches sur les meilleures pratiques pédagogiques» afin «d’aider nos enseignants à être encore plus performants», a affirmé le ministre, qui introduit aussi de nouvelles dispositions concernant la formation continue obligatoire.
Cette décision ne fait toutefois pas l’unanimité, y compris dans le milieu universitaire. Certains, comme l’expert Égide Royer, estiment que ce nouvel organisme «vient consacrer l’entrée de la science à l’école» et permettra d’améliorer réellement la réussite des élèves, en permettant aux profs de se baser sur les meilleures pratiques. D’autres, comme le professeur Jean Bernatchez, se montrent plutôt inquiets. «Les enseignants peuvent déjà s’inspirer des données probantes. Il n’y a pas de recette miracle, je ne pense pas qu’un modèle pédagogique unique puisse convenir à tous les élèves. C’est très réducteur», dit-il.
De leur côté, des syndicats d’enseignants ont reçu cette annonce comme une «gifle». «Ce n’est pas acceptable», affirme Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement. «Le message qu’on nous envoie, c’est que ça va mal en éducation parce que les profs ne veulent pas se former et qu’ils n’appliquent pas les bonnes méthodes», déplore-t-elle.
L’enseignement à distance élargi
Le projet de loi 23 prévoit également l’élargissement du recours à l’enseignement à distance, qui avait été considérablement resserré après la pandémie. De nouvelles dispositions, qui seront précisées dans un règlement à venir, permettront de faire l’enseignement en ligne en cas de fermeture d’école en raison d’un sinistre ou d’une catastrophe naturelle, indique le cabinet du ministre. Dans certains cas, un enfant qui doit être scolarisé à la maison ou à l’hôpital pourra aussi avoir accès à des cours virtuels. Il n’est toutefois pas question d’autoriser l’enseignement à distance lors des journées de fermeture d’école en raison de tempête, a précisé le ministre Drainville.