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Turquie d’Erdogan et mélange toxique entre religion et politique

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Photo AFP Recep Tayyip Erdogan

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Ce qui se joue en Turquie est bien plus que la réélection d’un simple président. Si Recep Tayyip Erdogan parvient à demeurer au pouvoir, la Turquie pourra dire adieu pour longtemps à la démocratie. D’autre part, le fondamentalisme religieux progressera encore plus rapidement dans le pays.

Ce mélange d’autoritarisme et de religion l’entraînera dans un tourbillon de corruption, de misère et de guerres.

La Turquie devra abandonner pour de bon son rêve d’intégrer l’Union européenne, tandis que les pays membres de l’OTAN auront de plus en plus de mal à composer avec cet allié encombrant.

Au moment d’écrire cette chronique, rien n’était encore joué et un second tour de scrutin était probable.

Trois hypothèses

Si Erdogan finit par gagner l’élection présidentielle, il est à parier qu’il accélérera les réformes autoritaires pour qu’il ne soit plus jamais autant menacé de perdre des élections.

Dans cette hypothèse, il pourrait étendre encore davantage l’enseignement religieux fondamentaliste dans les écoles, au détriment des autres disciplines. Les médias seraient encore moins libres et ses opposants, encore plus persécutés. Bref, Erdogan risque de suivre la voie tracée par Poutine en Russie.

Si au contraire Erdogan est battu, alors c’est la voie de Donald Trump qu’Erdogan pourrait être tenté d’emprunter, malgré ses promesses de transition pacifique du pouvoir. Erdogan contrôle toutes les institutions de l’État. Il pourrait donc s’arranger pour que celles-ci invalident ou manipulent les résultats du vote. C’est l’impression que donnent les premiers résultats officiels des élections. D’ailleurs, Erdogan a fait déployer l’armée dans le pays...

Reste une troisième possibilité, la plus honorable et la plus souhaitable, c’est-à-dire que malgré les pressions d’Erdogan, les institutions électorales reconnaissent, le cas échéant, la victoire de son opposant.

  • Via QUB radio, écoutez le journaliste français Pierre-Louis Caron discuter de la course au pouvoir en direct de la Turquie :

Faute des démocraties européennes

Kemal Atatürk, père de la nation turque moderne, avait identifié l’islam comme source principale de la corruption et du sous-développement de la Turquie. Il avait fait exécuter les chefs religieux du pays. Il se méfiait tellement des religieux qu’il avait prévu dans la constitution des mécanismes qui permettaient à l’armée de renverser le pouvoir, en cas de retour des religieux à la tête de l’État.

Ces mécanismes ont été effacés sous les pressions des démocraties européennes à qui la perspective d’un coup d’État militaire semblait incompatible avec les principes de la démocratie. En réalité, par manque de profondeur d’analyse et par idéalisme, les démocraties européennes ont fragilisé la démocratie turque et aidé au retour d’un pouvoir religieux.

Depuis 20 ans, petit à petit, Erdogan replonge la Turquie dans le Moyen-Âge. Ainsi, au nom de croyances islamiques, il a défié des connaissances de base en économie, ce qui a conduit son pays à une grave crise économique, avec une inflation de près de 60 % par an.

Au fond, la Turquie constitue le plus récent exemple de mélange toxique entre la religion et la politique. Un mélange de plus en plus présent au Canada et aux États-Unis.

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