Procès de Martin Lévesque: L’accusé a été transformé par ses missions à l’étranger affirme son ex-femme
L’ex-militaire n’était plus le même homme à son retour d’Afghanistan et d’Haïti a témoigné son ex-conjointe lors de son procès pour le meurtre de sa voisine, Patricia Sirois
Martin Lévesque est revenu marqué par ses missions à l’étranger, plus particulièrement de sa deuxième en Afghanistan qui a été immédiatement suivie d’un déploiement en Haïti, a témoigné son ex-conjointe en ouverture de la défense au procès de l’ex-militaire accusé du meurtre de sa voisine Patricia Sirois.
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Martin Lévesque a été lourdement affligé par le décès d’au moins 5 frères d’armes de qui il était proche, a raconté au jury, Nancy Ouellet, qui a été en couple 20 ans avec l’homme et qui est la mère de ses deux enfants.
Les décès du soldat Matthieu Allard et du caporal Christian Bobbitt l’ont notamment particulièrement meurtri. «C’était des gars que Martin avait formés. C’était vraiment une grosse perte pour lui», a expliqué Mme Ouellet, se rappelant que Martin lui avait dit qu’il était là quand l’explosion les a tués.
«Il m’a dit: “J’étais là, je n’ai pas pu les aider. Ils nous ont empêchés d’y aller”. Bobbitt et Allard, ça l’a vraiment affecté.»
12 ans après leur mort tragique, lors de son arrestation pour le meurtre de Patricia Sirois, l’accusé portait d’ailleurs un chandail arborant un badge où l’on peut lire les inscriptions «Bob» et «Matt».
«Il avait gardé des bérets, des effigies, des articles qui [leur] avait appartenu», a confirmé son ex.
La goutte qui a fait déborder le vase
En plus de voir des camarades mourir, Martin Lévesque a lui aussi été blessé par l’explosion d’une mine. Malgré tout, il a insisté pour retourner au combat après son hospitalisation pour soigner des brûlures au visage et des blessures à la main.
Il est finalement revenu de ce deuxième tour en Afghanistan le 29 novembre 2009, «fatigué, exténué» de son déploiement de 6 mois. Martin Lévesque n’a toutefois passé qu’un mois à la maison avant de repartir, s’est rappelée son ex-femme.
«Il y a eu le tremblement de terre en Haïti en janvier 2010», a raconté Mme Ouellet, ajoutant que cette mission aura été «la pire» aux dires de Martin Lévesque. «Il me disait qu’il avait toujours du Vicks en dessous du nez pour les odeurs de cadavre.»
Le déploiement qui devait durer quelques semaines aura duré six mois et semble être devenu la goutte qui a fait déborder le vase.
«Quand il est revenu, c’était pire que pire», s’est remémoré la femme, témoignant de coups de poings dans les murs et de colères inexplicables. «Il était vraiment agressif. [...] Là, je l’avais perdu».
En fait, à son retour d’Afghanistan et à son retour d’Haïti, Lévesque a même refusé que sa femme et ses enfants l’accueillent à l’aéroport, un moment de retrouvailles pourtant heureux après des mois difficiles.
«Tu ne comprends pas ce que je vis», disait alors le militaire à sa femme.
Replié dans l’alcool
Dans les mois suivants et jusqu’à leur séparation au début de 2011, Martin Lévesque s’est réfugié dans l’alcool, s’isolant de sa famille, passant ses journées en motocross.
«Il partait à 9 h le matin en motocross, il arrêtait remplir son sac à dos de bière au dépanneur et il pouvait revenir à 4 h ou 5 h le soir. Et là, il ne tenait plus debout», a témoigné Nancy Ouellet, qui l’a finalement quitté après une dispute dans le temps des Fêtes où l’accusé a lancé une bouteille de vin sur un mur chez sa belle-mère.
Dans les dernières semaines avant qu’elle ne déménage, Nancy Ouellet a remarqué à quel point les changements de comportements de Lévesque étaient drastiques.
«Il écoutait des vidéos de guerre, des vidéos de décapitation», a-t-elle décrit, ajoutant qu’après la séparation, un fossé s’était creusé entre Lévesque et ses enfants.
«Il appelait à peine à leur fête, il était désintéressé totalement», a ajouté Mme Ouellet.
«Martin a déjà été un bon gars»
Si elle a accepté de témoigner au procès de son ex, c’est surtout parce que «Martin a déjà été un bon gars».
«Quand j’ai su la nouvelle [le meurtre de Patricia Sirois], que c’était mon ex, Martin Lévesque, j’étais surprise, démolie. Martin, ce n’était pas ça», a insisté Nancy Ouellet au terme de sa description d’un crescendo violent que la défense entend présenter comment étant les conséquences d’un syndrome de stress post-traumatique si intense que Martin Lévesque ne peut être tenu criminellement responsable du meurtre de Patricia Sirois.
La défense fera également entendre cette semaine le psychiatre Mathieu Bilodeau, spécialisé dans le traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, ainsi que le Dr Gilles Chamberland, qui a évalué Martin Lévesque. L’accusé prendra également la barre pour venir raconter son histoire au jury.
Martin Lévesque a déjà été accusé de menaces de mort envers son ex
L’ancienne conjointe de Martin Lévesque a témoigné mardi avoir déjà porté plainte pour menaces de mort contre l’homme qui est aujourd’hui accusé du meurtre de sa voisine Patricia Sirois.
À la suite de leur séparation au début de l’année 2011, Martin Lévesque a menacé Nancy Ouellet de s’en prendre à elle et à leurs enfants.
«Il était dans son auto, il m’a appelé pour me faire des menaces de mort. Il m’a dit qu’il me tuerait et qu’il tuerait les enfants», a confié Mme Ouellet lorsque contre-interrogée par le procureur de la couronne mardi.
Crainte réelle
La femme, qui avait affirmé dans son témoignage initial que le Martin qu’elle avait connu n’aurait pas pu tuer quelqu’un, a admis avoir craint l’homme après leur séparation. Le divorce est venu après les déploiements de Lévesque en théâtre de guerre, événements qui l’ont profondément changé estime son ancienne conjointe.
«Oui j’ai eu peur. Surtout pour les enfants», a indiqué Mme Ouellet.
Le dossier s’est finalement réglé avec un retrait d’accusation. Pour arriver à cette conclusion, Martin Lévesque s’était engagé à signer un mandat de paix, communément appelé un «810».
L’homme s’était engagé à garder la paix et à ne pas importuner son ex-conjointe, cette dernière précisant que les conditions avaient été respectées durant la durée de l’ordonnance.