Oak Hill: le golfeur moyen vivrait un cauchemar en ajoutant plus de 20 coups à son score habituel
Les configurations du parcours accueillant le Championnat de la PGA d'Amérique terroriseraient le golfeur du dimanche
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ROCHESTER | Dans le champ de pratique en fin d’après-midi mercredi, j’étais à quelques pieds de Jordan Spieth, l’un des meilleurs golfeurs au monde, à l’observer assommer ses balles à coup de fer 8. Cet endroit précis, n’importe quel mordu de golf y resterait des heures sans broncher et dire un mot pour contempler les incroyables habiletés des joueurs. Quelques minutes plus tôt, Spieth avait répondu à un jeune journaliste qui cherchait à savoir le score à Oak Hill d’un golfeur moyen jouant 90. Le pro a baissé les yeux, regardé l’herbe longue, pesé les conditions de jeu du Championnat de la PGA d’Amérique et il s’est mis à rigoler.
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La réponse ?
« Casser le 100 serait très impressionnant pour quiconque affiche moins de 10 de handicap. »
Pourquoi ?
« C’est très compliqué de placer et garder la balle dans les allées. Quand elle n’y est pas, il faut la sortir en pelletant quasiment l’herbe longue pour la replacer dans l’allée. Et le travail n’est pas encore terminé jusqu’au fanion. »
Ses paroles sont celles d’un triple champion de tournois du Grand Chelem et comptant 13 victoires professionnelles en carrière.
Le cadet de Corey Conners, Danny Sahl, a renchéri lorsque je lui ai posé la question vendredi matin. Il verrait un bon golfeur s’approcher des 105 ou 110 coups.
Quand Spieth estime que le travail n’est pas terminé pour se sortir des fâcheuses positions, il n’effleure que la réalité. Car Oak Hill, c’est sept normales 4 mesurant plus de 450 verges, deux normales 5 de plus de 600 verges et deux normales 3 dépassant 220 verges.
Il n’évoque pas la position des fosses de sable menaçantes et profondes, protégeant tant les allées que les verts. Ni les dénivellations qui trompent l’œil et exigent de précis calculs des distances. Ni la rapidité de la surface des verts. Ni les conditions météo qui dérangent le jeu : la direction des vents, les rafales et la pluie.
Bref, bien que magnifique dans ces circonstances de championnat, Oak Hill ferait sacrer l’amateur moyen frappant la « p’tite blanche » par une belle promenade dominicale.
L’excellence à l’état pur
On peut bien écrire que les parcours des championnats majeurs sont difficiles et énumérer des séries de données pour supporter les arguments... Les images à la télévision ne rendent pas justice à la complexité, aux subtilités et au niveau de difficulté de ces monstrueux terrains de jeu.
À preuve, ceux qui vivent le rêve de fouler la terre sacrée du Augusta National lors du Tournoi des Maîtres sont impressionnés par les pentes du parcours et la marche exigeante. On le répète chaque année, l’allée du 11e est quasi aussi inclinée vers la gauche que le virage d’un ovale sur une piste de course de stock-car. Il faut y être pour en témoigner.
De brutales bêtes de 7400 verges dont les allées sont bordées d’herbe longue de quatre pouces, épaisse et fournie qui rendrait jaloux n’importe quel jardinier psychopathe, dont moi-même, ne se trouvent pas au coin de la rue.
Il faut s’y déplacer pour découvrir l’ampleur de l’évènement et admirer comment ces quelque 150 golfeurs excellent dans leur domaine. Car des parcours de la trempe d’Oak Hill, Southern Hills, Bethpage Black, Winged Foot, Pebble Beach, Oakmont, Portrush et cie, il n’y en a pas au Québec. On en compte une poignée à travers le Canada. Certes, nous avons de beaux parcours, mais aucun ne peut se mesurer à ces sites qui sont les hôtes des plus grands tournois de golf de la planète.
L’an prochain, le Royal Montréal accueillera la Coupe des Présidents pour la deuxième fois de sa riche histoire. Le club subit de multiples modifications pour accueillir les dizaines de milliers de visiteurs et livrer un test à la hauteur de la crème du golf mondial. Dans les plans, rien n’est comparable à l’édition 2007 tant l’évènement a grossi au fil des ans. L’organisation s’approche de celle des championnats majeurs.
Défi logistique
De son salon, on ne peut percevoir l’ampleur des grands évènements de golf. Il faut le voir pour le croire. Dans les coulisses, les milliers d’employés et 5000 bénévoles fourmillent de partout.
À partir des stationnements cumulant près de 20 000 espaces, les moyens de transport vers le site demandent un réseau collectif vitaminé par près de 300 autobus et navettes. Dans les concessions aux quatre coins du parcours, on distribue plus de 150 000 livres de hot-dogs et hamburgers en plus des 300 000 canettes de bière.
Tout au long du 18e, on trouve près de 3000 personnes dans la trentaine de loges corporatives au coût de dizaines de milliers de dollars chacune.
Et la taille du gigantesque pavillon des marchandises, restocké toute la journée, peut faire rougir un Wal-Mart.
Ces évènements sont préparés des années à l’avance. Lors de la Coupe Ryder à Whistling Straits en septembre 2021, John Denver, un dirigeant de la PGA d’Amérique qui avait travaillé chez les Expos à l’époque, me racontait que son équipe s’affairaient depuis des mois à organiser cette édition du championnat à Rochester.
Un tournoi de golf semblable représente un énorme défi logistique qui ne peut dérailler avec plus de 40 000 spectateurs qui franchissent quotidiennement les tourniquets. Dès leur arrivée dans les environs du site, tout doit être calculé au quart de tour.
Lors de la coupe Ryder de 2021 à Whistling Straits, l’affluence des quelque 50 000 spectateurs par jour avait complètement congestionné le réseau de Sheboygan, une minuscule et tranquille municipalité du Wisconsin blottie entre des terres agricoles et le lac Michigan. Le plan de transports avait complètement déraillé.
L’ambiance autour des meilleurs
C’est aussi impressionnant de constater l’imposante foule drainée par les vedettes. Évidemment, Tiger Woods se trouve dans une classe à part. C’est la folie furieuse pour le voir s’exécuter, ne serait-ce qu’une fois, depuis la cinquième rangée le long des cordes. Par chance, hormis à Augusta, les journalistes ont accès à l’intérieur des cordes afin de suivre le jeu.
À l’Omnium américain disputé à Pebble Beach en 2019, je me souviens être resté coincé dans un gigantesque entonnoir lors de son passage du troisième vert au quatrième tertre. Il m’aura fallu une bonne demi-heure pour m’en sortir.
Jordan Spieth, Justin Thomas et Rory McIlroy en sont d’autres évidemment, très populaires auprès des spectateurs.
Les mouvements de foule pour les voir à l’œuvre peuvent déranger des compagnons de jeu moins patients, surtout aux États-Unis. Les spectateurs ne sont pas aussi respectueux de l’étiquette golfique qu’en Europe. Ils bougent, parlent et font du bruit malgré les consignes répétées de garder le silence.
À l’Omnium britannique, on peut quasi entendre une mouche voler quand un golfeur est sur le point de s’exécuter.
Et que dire de cette règle à Augusta où les téléphones cellulaires sont interdits sur la propriété ? Il s’agit d’une règle qui ne colle pas à la réalité de notre époque, mais qui permet de pleinement savourer les moments précieux sur ce mythique parcours. Les « patrons » y sont en général plus civilisés qu’à l’Omnium américain, au Championnat de la PGA d’Amérique et autres tournois.
Les deux compétitions en équipe, la Coupe Ryder et la Coupe des Présidents, se situent à l’autre bout du spectre. L’atmosphère électrique y est enivrante. Les spectateurs sont déguisés aux couleurs de leurs favoris. Ils crient, ils chantent, ils lancent des insultes. Des comiques et des moins comiques. Ça fait partie du spectacle qui rend le tournoi si spécial. Comme partout.