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Ingérence étrangère: David Johnston ne recommande pas la tenue d’une enquête publique



 OTTAWA | Le rapporteur spécial David Johnston soulève l’ire des partis d'opposition en refusant de recommander une enquête publique et indépendante sur l’ingérence étrangère.

«La nature délicate des renseignements» et «le risque de dommages, s’ils étaient divulgués», forceraient la tenue d’une enquête «presque entièrement à huis clos» qui pourrait aussi «retarder» inutilement la mise en place de correctifs nécessaires, a expliqué l'ex-gouverneur général dans un rapport de 65 pages rendu public mardi.

Au lieu d'une enquête publique, il suggère plutôt des «audiences publiques» qui permettront de collecter l’avis d’experts et de représentants des diasporas. L’objectif sera «de parler publiquement de ces questions à la population canadienne et d’écouter ce qu’elle a à dire». 

Si Justin Trudeau a reçu le rapport favorablement, les trois partis d’opposition l’ont unanimement fustigé.

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a qualifié la décision du rapporteur spécial d'«incroyablement décevante» et a souligné qu'une enquête publique permettrait «d'assigner des témoins à comparaître, d'exiger des personnes qu'elles témoignent sous serment, de permettre un contre-interrogatoire», tout ce que M. Johnston ne peut pas faire.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a quant à lui dénoncé la «fausse job» d'«un ami de ski» et un «voisin de chalet» de Justin Trudeau.

  • Écoutez l'entrevue avec Alain Therrien, député de La Prairie et leader pour le Bloc québécois à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :

Rien pour ennuyer Pékin

«Je ne pensais pas que ce serait à ce point pas indépendant, à quel point il a servi le premier ministre», a renchéri le député bloquiste Alain Therrien, qui a proclamé qu’il s’agissait d’une «grande journée pour le gouvernement chinois».

Dans la même veine, Margaret McCuaig Johnston, ex-haute fonctionnaire experte des relations Canada-Chine, souligne que «la Chine cessera ses actions seulement si elle voit qu'il y a des conséquences à ses gestes, mais ce rapport n'en apporte pas».

Pour elle, le rapport Johnston est «insuffisant et décevant» au moment où il est nécessaire et urgent qu’il y ait plus de transparence pour stopper l’ingérence étrangère, mais aussi pour rétablir la confiance du public envers le système démocratique.

Le gouvernement a d’ores et déjà en main les informations et les outils pour agir et il «n’a pas besoin de six mois de plus d’enquête de M. Johnston» pour se retrousser les manches, dit-elle.

Dédales bureaucratiques

Mais M. Johnston est d’avis que le gouvernement est handicapé dans son action par de «graves lacunes dans la façon dont le renseignement est relayé et traité».

«Les documents sont diffusés, mais personne ne fait le suivi de qui les a reçus ou lus. Cela veut dire que certains renseignements peuvent être envoyés à divers consommateurs, mais ne sont pas toujours réellement consommés», décrit-il. Bref, l’information se perd dans «les dédales» bureaucratiques. 

C’est ce qui s’est passé, dit-il, dans l’affaire du député conservateur Michael Chong, dont la famille aurait été la cible de tentatives d’intimidation de la part de Pékin. Les services de renseignements avaient envoyé l’information au gouvernement, mais celle-ci ne s’est jamais rendue à Justin Trudeau ou aux ministres concernés.

«Il s’agit sans doute de l’exemple le plus marquant, mais non le seul d’une mauvaise circulation de l’information et d’un mauvais traitement de l’information entre organisations, la fonction publique et les ministres», écrit M. Johnston.

Les médias ont mal interprété les renseignements

David Johnston estime que les médias ont mal interprété les renseignements qu’ils ont obtenus de lanceurs d'alerte et que ces sources devraient être traquées et punies. 

S'il critique le travail des médias au sujet de l’ingérence dans les élections de 2019 et 2021, il admet néanmoins qu’il n’y a «pas l’ombre d’un doute» que des gouvernements étrangers tentent d’influencer les candidats et les électeurs canadiens.

Toutefois, selon lui, les fuites à l'origine des différentes publications qui ont secoué le pays depuis l’automne ont mené à des «malentendus», à des «spéculations non étayées, à des liens inexacts et à une histoire selon laquelle le gouvernement aurait permis ou toléré l’ingérence étrangère», ce qui n’est «pas étayé par des faits».

Chasse aux lanceurs d’alerte

Le rapporteur spécial s’en prend aussi aux sources des fuites. Comme le premier ministre avant lui, il plaide pour «déployer tous les efforts possibles pour identifier les personnes qui divulguent des renseignements et les tenir responsables». Il souligne même qu’«on ne peut exclure la malice».

Mais pour Margaret McCuaig Johnston, ex-haute fonctionnaire experte des relations Canada-Chine, les sources qui ont divulgué de l'information aux médias ont servi l'intérêt public et, à ce titre, méritent plutôt d'être saluées pour leur courage.

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