Canadien: les dessous terribles du dilemme Matvei Michkov
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Matvei Michkov n’a pas été fabriqué dans une usine. Il n’arrivera pas dans la LNH dans un emballage sans égratignures, comme neuf, avec une garantie. Bien malgré lui, il est plongé dans un cauchemar qui semble être sous-estimé en Amérique du Nord lorsqu’il est question de le repêcher ou pas, alors que le Canadien risque d’être l’équipe qui sera la première à trancher ce débat avec son cinquième choix en juin.
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S’il est aussi bon qu’on nous le dit, Matvei Michkov risque un jour de gagner des millions de dollars, de devenir une grande vedette, d’avoir une vie de rêve, avec deux ou trois Ferrari.
Mais il doit s’en ficher de tout ça aujourd’hui.
La réalité, c’est que Matvei Michkov vient de perdre son père, «le meilleur papa du monde», comme il le disait. Il a été retrouvé mort dans un étang près de la maison familiale en Russie. Six semaines plus tard, personne ne sait ce qui s’est produit. Est-ce que le père voulait que son fils fasse le saut plus rapidement dans la LNH, alors qu’il est sous contrat jusqu’en 2026 dans la KHL? Il semble impensable que cela puisse justifier un tel drame, mais cela fait partie des hypothèses.
La réalité, c’est aussi que Michkov devra décevoir son gouvernement pour aller au bout de son rêve. Et son gouvernement s’est mis plus que jamais à emprisonner ou tuer certains groupes qui s’opposent à leur régime.
Et finalement, la réalité, c’est que ceux qui veulent enrichir Michkov, ce sera une équipe du Canada ou des États-Unis, deux pays indirectement en guerre avec la Russie dans le conflit avec l’Ukraine.
Pas un robot
Ce qui me fascine dans le dilemme de repêchage de Michkov, c’est à quel point on n’entend jamais parler de l’état dans lequel ce jeune homme pourrait débarquer dans la LNH. Comme si c’était un robot et qu’on allait peser sur le bouton «joue au hockey» et qu’il allait être une machine incroyable.
Pourtant, plusieurs amateurs se posaient la question pour Logan Mailloux. Comment un jeune qui a traversé cette tempête pourra-t-il gérer la pression à Montréal, se demandaient certains.
Comme s’il pouvait y avoir des enjeux humains pour Mailloux, mais pas tant que ça pour Michkov. Comme s'il n'avait pas d'âme.
Il est peut-être le jeune homme le plus courageux du monde. Mais ce qu’il vit malgré lui est infiniment triste et n’importe quel ado dans sa position serait détruit mentalement par ce qu’il vit.
Mort incompréhensible
Rappelons que, le 2 avril, le père de Matvei, Andrei Michkov, a été retrouvé mort dans un étang près de sa résidence et du parc olympique à Sotchi en Russie. Il avait 51 ans.
Certains médias ont avancé qu’il s’agissait d’une mort naturelle. Mais rien ne l’a finalement démontré. Six semaines plus tard, l’enquête est toujours en cours. Personne ne sait ce qui est arrivé au père du jeune prodige.
«Il n’y aucune condition préalable à sa disparition. Aucune querelle, conflit ou problème avec l’alcool», a écrit le journaliste russe Ivan Bohum dans le média Sport Express.
Aucune marque de violence n’a été remarquée sur le corps lors de l’autopsie, a écrit Sport Express, et il est mort noyé.
Mais c’est impensable qu’il ait pu se noyer lors d’une baignade du soir. L’eau était pratiquement gelée. Aucune personne saine d’esprit ne serait allée se baigner à cette température.
Dans un texte publié en avril, le journaliste Bohum a bien raconté pourquoi il était improbable qu’Andrei Michkov ait pu s’enlever la vie alors qu’il était un père présent qui ne voulait sûrement pas disparaître quand son fils allait commencer à briller.
«C’est lui qui lui a mis des patins dans les pieds pour la première fois et depuis il s’est impliqué dans presque toutes les affaires de son fils, jouant le rôle d’entraîneur personnel, notamment. Il a déménagé pour suivre son fils à Yaroslavl en 2015 et à Saint-Pétersbourg en 2020, où il a occupé un emploi avec l’équipe. Il accompagnait son fils dans tous les tournois internationaux. Il a ensuite déménagé dans la belle ville de Sotchi, sur le bord de la mer noire, pour offrir une vie plus confortable à toute sa famille.»
Hughes n'en saura pas plus
Le mystère reste donc entier et il serait étonnant qu’on en sache plus, selon Jean Lévesque, professeur d’histoire à l’UQAM spécialisé dans le sport international et la politique russe.
L’histoire du père «c’est un peu compliqué, je ne comprends pas vraiment», lance-t-il.
«Est-ce que c’est l’État? On n’a rien. Mais Kent Hughes fait attention. Il est très prudent. Je doute qu’on en sache plus. Ils vont sortir une histoire officielle prochainement et ça va être tout. Et en plus là c’est pire que c’était avant, on est moins bien informé avec la guerre. C’est très opaque», poursuit-il, au sujet des médias et du gouvernement russe.
Est-ce que Hughes s’attend à des explications claires? «Je ne pense pas», dit-il.