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La société des écrans est une société de zombies

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La Suède, depuis 15 ans, s’était convertie à l’école numérique. 

En gros, elle avait laissé de côté les manuels scolaires, et tout ce qui ressemblait à l’école à «l’ancienne», pour se convertir aux écrans, aux tablettes, aux ordinateurs. 

Ceux qui s’inquiétaient de cette virtualisation de la pédagogie passaient évidemment pour des grognons réactionnaires. 

Mais on apprenait récemment que la Suède s’apprête à faire marche arrière. Elle constate que le niveau des étudiants tend à descendre, peut-être même à s’effondrer, et envisage de renouer avec les manuels scolaires et l’univers pédagogique qu’ils représentent. 

Suède

Cette nouvelle venue de loin devrait nous inciter à réfléchir non seulement aux vertus de la pédagogie traditionnelle, mais surtout, aux ravages d’une société colonisée intégralement par les écrans – ce que j’appelle une société écranisée, qui risque de devenir, si elle ne l’est pas déjà, une forme de société infernale éclairée à la lumière bleue. 

Dans cette société, la capacité de concentration de l’être humain s’est effondrée. 

Il n’est plus capable de passer une minute sans consulter son téléphone portable. 

Dans la rue, lorsqu’il marche, il ne regarde plus devant lui, non plus que le paysage, s’il vaut la peine d’être regardé, mais son portable, comme s’il ne pouvait en détourner le regard. 

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Au restaurant, il pose non seulement le portable sur la table au cas où une urgence se présenterait, ce qui est toujours possible, mais pour le consulter à tout moment, au cas où on lui enverrait un message insignifiant. 

S’il trouve la force d’ouvrir un livre, il y a de bonnes chances qu’entre chaque paragraphe, ou du moins, entre chaque page, il le pose pour consulter ses réseaux sociaux, ou ses textos. 

S’il s’accouple, au milieu des ébats, il n’est pas impossible qu’il s’interrompe et délaisse le corps de sa partenaire pour consulter son petit écran portatif. 

Disons-le autrement : la société écranisée est une société de zombies, emportés par une révolution technologique qu’ils ne savent plus maîtriser, et qui les écrase. 

C’est une société manipulable, où la moindre tendance TikTok risque d’avoir plus d’influence sur la jeunesse que le meilleur travail journalistique disponible. 

C’est une société d’individus qui sont en manque sans leur portable, et qui sont en fait victimes de dépendance écranesque. 

Sans surprise, cela s’accompagne d’un effondrement psychique, qui ne peut être contenu que par une régulation pharmaceutique de plus en plus inquiétante de ce désordre émotionnel. 

Concentration

Alors je reviens à la Suède, dont je parlais plus haut. Elle nous rappelle une chose: nous pouvons faire machine arrière partiellement. 

Non pas pour condamner le progrès technologique, évidemment pas. 

Mais pour chercher à reprendre un certain contrôle sur lui. Pour éviter qu’il nous aliène intégralement. L’école peut nous y aider. Mais elle ne suffira pas. 

Chacun est appelé à faire quelques vrais efforts pour reprendre en main sa vie, pour se désécraniser. Cela n’ira pas de soi.

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