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Nos trésors du passé: comment la poterie locale nous révèle les problèmes de la France

Nos trésors du passé: comment la poterie locale nous révèle les problèmes de la France
Bibliothèque nationale de France

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C’est à la fin du XVIIe siècle, sous le Régime français, que la production locale de terres cuites communes connaît son apogée. Cet état de fait coïncide avec les deux interminables guerres de la fin du règne de Louis XIV (guerre de la ligue d’Augsbourg de 1688 à 1697 et guerre de la Succession d’Espagne de 1701 à 1714), au cours desquelles les approvisionnements de la colonie en biens manufacturés français sont fortement réduits.

Terrine découverte dans la maison Charest, à la place Royale, à Québec.
Photo Collection ministère de la Culture et des Communications, photo Émilie Deschênes (2016), Archéolab.Québec
Terrine découverte dans la maison Charest, à la place Royale, à Québec.

Ces produits, découverts sur de nombreux sites de la ville de Québec et des environs, jusqu’à Montréal, apparaissent soudainement dans les années 1680 pour disparaître tout aussi subitement au cours des années 1720.

Jatte ou bol provenant du site de la Petite-Ferme du cap Tourmente, dans un contexte datant de 1664 à 1692. Cet objet pourrait avoir été fabriqué par Gabriel Lemieux (actif de 1658 à 1702), par le potier Jean Aumier (actif de 1672 à 1715) ou par des artisans-potiers de la briqueterie de Landron et Larchevêque (en activité de 1688 à 1755).
photo Collection Parcs Canada, photo Émilie Deschênes (2016), Archéolab.Québec
Jatte ou bol provenant du site de la Petite-Ferme du cap Tourmente, dans un contexte datant de 1664 à 1692. Cet objet pourrait avoir été fabriqué par Gabriel Lemieux (actif de 1658 à 1702), par le potier Jean Aumier (actif de 1672 à 1715) ou par des artisans-potiers de la briqueterie de Landron et Larchevêque (en activité de 1688 à 1755).

La majorité de cette production est centrée sur les terrines à écrémer le lait, de forme tronconique, avec un bord pourvu d’un bec verseur. S’y joignent des jattes, de profil similaire, mais dépourvues de bec, convenant pour la préparation des aliments et des repas, et des pots de chambre, dont l’usage commence à se répandre en milieu urbain.

On croit pouvoir identifier trois types de productions différentes, qui se distinguent par leur aspect qualitatif et le profil de leur bord.

Les pièces de qualité supérieure présentent une mince paroi bicolore, rouge orangé à l’extérieur et gris pâle à l’intérieur, et imperméabilisée sur la face interne avec une glaçure au plomb de couleur verte, qui n’atteint jamais le bord. Ce dernier, au sommet plat, est d’une largeur suffisante pour être soutenu avec les doigts.

Le deuxième type, commun à plusieurs sites, se reconnaît à son bord ourlé à l’extérieur, à son corps bicolore couvert de glaçure verte mouchetée de noir et à ses nombreuses coulisses de glaçure sur la paroi externe.

Le troisième type de production est de piètre qualité. Terrines, jattes et pots de chambre sont parfois difformes et toujours assis sur un fond très épais. Le corps, de couleur orangé pâle et peu cuit, est partiellement couvert d’une glaçure incolore d’aspect brun ou colorée avec un vert de cuivre d’épaisseur inégale. Le bord présente le plus souvent une lèvre haute de section rectangulaire.

Nos trésors du passé: comment la poterie locale nous révèle les problèmes de la France
Photo fournie par les Éditions de l’Homme

Ces variétés n’ont pas d’équivalent parmi les productions françaises, que ce soit dans la forme du bord ou dans la couleur mixte du corps.

Les sources d’inspiration de ces potiers locaux nous restent inconnues. Quant aux ateliers, ils semblent avoir été aménagés sur les bords de la rivière Saint-Charles, près de sa jonction avec le fleuve Saint-Laurent. Jusqu’à maintenant, les archéologues ont repéré une briqueterie, dirigée par Landron et Larchevêque, ainsi qu’un site d’atelier de poterie à l’îlot Saint-Nicolas, à Québec.

Signe que les approvisionnements venant de France sont alors discontinus, des objets locaux, difformes et ratés, trouvent néanmoins preneur. Toutefois, dès que le commerce intercontinental reprend grâce au traité d’Utrecht, les potiers français inondent le marché colonial. Cette reprise affecte la production des potiers de la région, qui n’ont d’ailleurs jamais été très nombreux et qui ne reprendront véritablement du service que des décennies plus tard, après la cession de la colonie à la couronne britannique.

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