Deux policiers acquittés d'avoir maltraité et séquestré un itinérant
Deux patrouilleurs de la police de Montréal ont été acquittés au terme d’un procès d’avoir séquestré et maltraité un itinérant alors qu’ils l’amenaient à l’autre bout de la ville chez un ami en mars 2010, même si leur crédibilité est entachée, selon la juge.
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«Bien que le Tribunal ne croit pas d’emblée la version des accusés et que leur défense laisse perplexe [...], leur version à l’effet qu’ils conduisent [Tobie-Charles Angers-Levasseur] dans l’ouest de l’île à sa demande et avec son consentement est plausible», a expliqué la juge Geneviève Graton ce matin au palais de justice de Montréal.
Les patrouilleurs Patrick Guay, 38 ans, et Pierre-Luc Furlotte, 40 ans, ont été acquittés des trois chefs d’accusation de séquestration, voies de fait et menaces et voies de fait qui pesaient contre eux.
«Nos clients sont très heureux de la situation», a simplement laissé tomber Me Michel Massicotte, l’avocat de l’agent Guay, en refusant tout autre commentaire.
Sac poubelle sur la tête
En mars 2010, Tobie-Charles Angers-Levasseur, un homme en situation d’itinérance largement connu des policiers, s’était fait interpeller au centre-ville de Montréal. L’homme, âgé de 24 ans à l’époque, était agité, intoxiqué et agressif autant physiquement que verbalement. Il a arraché et lancé un arbuste tout en criant.
Celui qui possède de nombreux antécédents criminels a été menotté et a pris place sur la banquette arrière du véhicule de police. À partir de ce moment, sa version diffère largement de celle des policiers.
Selon M. Angers-Levasseur, les policiers se sont rendus au poste de quartier, où l’agent Guay est entré pour prendre une bouteille de Windex et un sac poubelle qu’il lui a ensuite enfilé sur la tête avec du ruban.
Ensuite, il dit avoir été conduit à un endroit lui étant inconnu. Pendant le trajet en voiture, M. Angers-Levasseur alléguait avoir été insulté, menacé et aspergé de nettoyant à vitre pour camoufler son odeur.
Il avait aussi raconté avoir été forcé de s’agenouiller et avoir entendu le bruit d’une arme à feu en train d’être chargé, dans tout ce qui a l’air d’un simulacre d’exécution. Les policiers l’auraient ensuite laissé sur une voie de desserte de l’autoroute 40.
Amené chez un ami
De leur côté, les policiers ont complètement nié les faits reprochés. Selon eux, ils ont conduit M. Angers-Levasseur chez un ami qui réside dans l’ouest de l’île à sa demande.
Pendant le chemin, l’homme en situation d’itinérance ne collaborait pas et aurait demandé à descendre. Les policiers disent l’avoir déposé à un abribus en bordure de l’autoroute 40, dans le secteur de Kirkland.
Un automobiliste qui passait par là a conduit M. Angers-Levasseur à une station-service d’où il avait appelé le 911, visiblement en panique et désorienté.
Douteux
La juge Graton trouve douteux que les policiers aient peu de souvenirs de cette intervention qui n’avait rien de routinier ou banal.
«L’absence de prise de notes et de rapports sont des éléments suspects. Également suspect, le fait de ne pas aviser les superviseurs [...] de leur sortie du secteur», a souligné la magistrate, qui note que leur crédibilité est entachée.
Malgré cela, plusieurs éléments dans le récit de l’itinérant ont soulevé un doute raisonnable, qui a mené à l’acquittement des patrouilleurs. Entre autres, le registre des portes du poste de quartier démontre que les policiers ne sont pas entrés dans l’immeuble pour en ressortir.
D’autant plus que M. Angers-Levasseur «est capable de mentir pour parvenir à ses fins» comme il l’a déjà fait par le passé, a rappelé la juge.
«On est déçu du jugement rendu. On va prendre le temps de le lire à tête reposée pour voir la suite des choses. On va mettre le temps requis pour voir s’il y a des portes ouvertes [pour aller en appel]», a fait savoir le procureur de la Couronne, Me Julien Tardif.
Le verdict met fin à une longue saga. À l'époque, M. Angers-Levasseur avait alors porté plainte en déontologie, mais les affaires internes de la police de Montréal avaient choisi de passer l’éponge. Puis, après une révision du dossier par une équipe externe en 2017, les agents Furlotte et Guay avaient finalement été accusés.