Monastère du Bon-Pasteur: difficile de se reloger pour les sinistrés en pleine crise du logement
Une semaine après l'incendie qui a ravagé leur milieu de vie, les sinistrés cherchent toujours un endroit où vivre
Des résidents de la coopérative de logements anéantie dans l’incendie de la Chapelle du Bon-Pasteur, à Montréal, craignent de ne jamais retrouver un appartement abordable et une vie dans une communauté aussi exeptionnelle.
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« Au-delà de la perte de notre appartement, c’est vraiment la perte de notre noyau à nous qui fait le plus de peine. C’est violent de se rendre compte qu’on n’habitera plus tous ensemble », déplore Amélie Escobar, 38 ans, qui vivait dans la coopérative d’habitation Sourire à la vie depuis huit ans avec ses deux enfants.
Jeudi de la semaine dernière, les flammes ont consumé pendant plus de 24 heures le bâtiment patrimonial de la rue Sherbrooke Est. Si la Chapelle était connue pour sa salle de concert, elle hébergeait aussi la coopérative depuis presque 40 ans.
Habitués qu'ils étaient aux fausses alarmes incendie dans l’immeuble, aucun des locataires ne croyait que leur vie partirait en fumée en quelques heures lorsqu’ils ont dû évacuer les lieux. Surtout, aucun n’imaginait d'avoir à trouver un nouveau logement.
Pour le moment, ils ont tous trouvé refuge chez des amis ou des membres de la famille.
Perte inestimable
Pour Mme Escobar, comme pour les autres membres de la coopérative rencontrés par Le Journal, la perte de leur milieu de vie est une grande perte.
« On s’entraidait, on gardait les enfants des uns et des autres. On était tous solidaires. Dès que quelqu’un vivait quelque chose, on était là pour lui », affirme Pascale Huberty, 53 ans, qui habitait dans la coopérative avec son conjoint et sa fille depuis sept ans.
Une cinquantaine de personnes vivaient dans les 29 appartements de la coopérative. « Tous les logements sont une perte totale, soit à cause des flammes, soit à cause de l’eau qui a inondé les appartements pour éteindre le feu» , explique Patrice Masse, 59 ans.
Résultat : 29 ménages doivent se trouver un autre endroit où vivre.
Trop cher
Or, le prix actuel des appartements leur donne froid dans le dos.
« Mon loyer prenait déjà environ 30 % de mon salaire net. Si je me trouve un appartement, je sais que ce sera au minimum 75 % de mon revenu», s’inquiète Amélie Escobar, qui payait 1010 $ pour son 5 1/2 à la coopérative.
Dans le quartier, les appartements similaires se louent autour de 2800 $, constate-t-elle.
Pour sa part, un autre locataire de la coop, Patrice Masse, qui venait tout juste de prendre sa retraite, estime que, s’il ne trouve pas d’appartement en coopérative ou à 700 $ par mois pour un 3 1/2, il devra retourner sur le marché du travail.
« Je n’aurai juste pas le choix », laisse-t-il tomber.
Même s’ils ne sont pas en mesure de profiter à nouveau d'un même milieu de vie, ils espèrent tous pouvoir trouver une appartment dans d’autres coopératives.
« On a de la chance d’avoir le soutien d’un réseau qu’on n’aurait pas si nous vivions chacun dans un logement privé », explique Mme Escobar.
Pas toujours simple de trouver une nouvelle coop
Même si des coopératives ont des logements disponibles pour les sinistrés, se reloger dans l’une d’elles relève parfois du défi.
« On a quelques ressources qui nous aident, mais les coopératives ont des besoins. On risque de devoir passer plusieurs entrevues pour qu’ils voient si on a les compétences requises dont ils ont besoin. C’est un facteur qui va éliminer certaines de nos options », explique Amélie Escobar, qui tente de se retrouver un logement pour elle et ses deux enfants dans une coopérative montréalaise.
Après que la coopérative Sourire à la vie a été ravagée par les flammes, à la suite de l’incendie du monastère du Bon-Pasteur, la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ) a lancé un appel à la solidarité à ses membres, explique son président, Patrick Préville.
« La réponse a été instantanée ; j’étais soufflé. On s’est retrouvé avec 25 logements mis à la disposition des membres de Sourire à la vie », dit-il.
Critères de sélection
Avant de pouvoir obtenir la permission d'amménager dans une coopérative, un comité de sélection choisit les candidatures. C’est ensuite le conseil d’administration qui choisit le candidat qui intégrera la coopérative d’habitation.
« La coopérative va voir en fonction de ses besoins, des compétences qu’ils recherchent [chez ses futurs membres] », indique M. Préville, qui ajoute que les coopératives ont une certaine ouverture pour les sinistrés.
Patrice Masse, qui vivait au premier étage de la coopérative de rue Sherbrooke Est, a déjà passé une entrevue pour une place dans une autre coop.
« Le problème, c’est qu’on est trois sinistrés à avoir passé une entrevue. Je croise les doigts », confie-t-il.
Rêve de retour
Si les travaux sont encore bien loin d’être lancés pour rebâtir la coopérative, tous les membres de Sourire à la vie espèrent bien pouvoir y retourner.
« On souhaite restaurer la vocation [de la coop] et que le projet de reconstruction soit fidèle à ce que c’était avant l’incident », espère Mme Escobar.
Patrick Préville abonde dans le même sens. « C’est une coop qui doit renaître de ses cendres, mais il va falloir l’aide de l’État pour qu’elle reste aussi abordable qu’elle l’était », estime-t-il, en ajoutant que l'incendie de l'édifice est une perte inestimable pour Montréal.
À son avis, ce sinistre montre à quel point il y a un manque de logements coopératifs au Québec.
« On en a besoin, c’est un enjeu de société », conclut-il.