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Notre journaliste est-elle une activiste subventionnée?

SAUDI-POLITICS-ROYALS
Photo AFP


Notre journaliste qui a écrit sur la fusion de la PGA et de la LIV Golf a reçu un courriel incroyable. Dave (nom fictif) la qualifie d’activiste subventionnée, de woke, de folle et d’angoissée qui ne peut pas s’empêcher de parler de pollution même dans un texte de sport.

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Notre journaliste écrivait ceci dans son texte: «L’Arabie saoudite, pourtant reconnue pour bafouer les droits de la personne tout en étant considérée comme l’un des pays (deuxième producteur de pétrole au monde) les plus pollueurs sur la planète, a gagné son pari.»

On en reçoit parfois des courriels comme ça et on n’en fait pas de cas. Mais il y avait quelque chose qui me fascine dans celui-ci. C’est que Dave représente une vision qu’on constate énormément par rapport à tout ce dossier, soit l’indifférence totale des agissements de l’Arabie saoudite. 

Comme si, aux sports, on ne devrait pas en parler. L’argent mène et c’est la vie. Parlons seulement de ce qui se passe sur le terrain. Partout, les médias se font demander d’arrêter de casser les oreilles des lecteurs avec les histoires d’argent sale de l’Arabie saoudite.

Cette indifférence, c’est précisément l’objectif de l’Arabie saoudite. C’est le sportwashing («blanchiment par le sport»). Le pays redore son image en étant présent partout pour faire oublier les atrocités à l’interne. Et Dave n’est pas le seul à penser comme ça. 

Le golf, la Formule 1, le soccer, Disney, Microsoft, Boeing, Uber et même dans l’empire du Canadien de Montréal: l’Arabie Saoudite débarque partout par le biais de son fonds Public Investment Fund (PIF). Ce fonds controversé par son opacité s’élèverait à 620 milliards de dollars. 

Le fameux PIF

Le PIF est devenu cette semaine le commanditaire majeur de la PGA. Officiellement, le PIF est une entité distincte du gouvernement de l’Arabie saoudite. Mais dans les faits, pas du tout. 

Ce n’est pas compliqué, c’est un fonds qui se génère avec les profits du pays avec le pétrole et qui est investi un peu partout dans le monde. Ce fonds n’a pas vraiment de devoir de transparence. 

Il est dirigé par le despote Mohammed ben Salmane, qui est aussi le prince héritier et premier ministre de l’Arabie saoudite. Autrement dit, le PIF, c’est une branche du gouvernement de l’Arabie saoudite, mais placée dans une structure opaque sans trop de contraintes pour les administrateurs. 

C’est donc l’Arabie saoudite qu’on encourage quand on va regarder la PGA, et non un fonds saoudien indépendant.

Pas juste un pollueur

Et l’Arabie saoudite, oui, c’est un grand pollueur. Mais puisque Dave (celui qui a écrit à notre journaliste) s’en fout, voilà d’autres choses de pas trop chics avec l’Arabie saoudite qu’on peut lire sur le site d’Amnistie internationale. 

L’an passé, le tribunal saoudien a condamné 15 personnes à des peines de 15 à 45 ans de prison pour avoir exercé le droit à la liberté d’expression, dont certains pour s’être exprimés sur Twitter. 

Le 9 août 2022, ce même tribunal a condamné Salma al Shebab, doctorante et militante, à 34 ans de prison pour avoir diffusé sur Twitter des messages pacifiques. 

En fait, il est tout simplement interdit en Arabie saoudite de manifester en groupe pour dénoncer les atteintes aux droits de la personne. C’est la loi. 

Toujours l’an dernier, les tribunaux ont condamné à mort plusieurs personnes lors de procès «manifestement» inéquitables. Deux étaient d’âge mineur. 

En mars 2022, le pays a exécuté 81 hommes. Certains des contrevenants avaient été déclarés coupables d’«atteinte au tissu social et à la cohésion nationale» et de «participation et incitation à des manifestations».

Les autorités saoudiennes ont détenu arbitrairement notamment des femmes et des enfants migrants de l’Éthiopie en les soumettant à de la torture. Ces personnes étaient enfermées dans des cellules surpeuplées, sans accès suffisant à la nourriture, à l’eau, aux installations sanitaires ni aux soins de santé. Au moins 12 personnes sont mortes ainsi l’an dernier. 

La supervision des hommes

Tout ça, c’est sans parler du droit des femmes. Je n’ai pas besoin de développer beaucoup, c’est atroce. Les femmes sont considérées comme des mineures toute leur vie sont sous la supervision des hommes qui doivent autoriser leur décision pour travailler ou s’éduquer par exemple. Les hommes sont les tuteurs des femmes.

Et si on remonte à pas si longtemps, en 2018, le journaliste Jamal Khashoggi a été assassiné après avoir critiqué le prince hériter Mohammed ben Salmane. Dans un rapport rendu public par le président Joe Biden, les renseignements américains ont accusés ben Salmane d’avoir «approuvé» l’assassinat. 

Donc, désolé Dave, notre journaliste n’est pas une activiste subventionnée. Elle fait juste son travail. 

Le monde du sport professionnel peut bien faire de l’aveuglement volontaire en accueillant l’argent Arabie saoudite et contribuer au «sportwashing» d’un pays épouvantable, mais les journalistes ont un devoir de ne pas faire la même chose.   







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