Projet de loi C-18: un enseignant en éthique part en croisade contre les géants du web
L’auteur québécois Philippe Gendreau dénonce la montée de lait des Facebook et de Google, qui refusent de compenser les médias pour leurs contenus, et pousse les politiciens à adopter d’urgence une loi musclée pour les faire plier.
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«C-18, c’est le minimum. Si le gouvernement n’est pas en mesure d’agir, qui va le faire?», se demande à voix haute en entrevue au Journal Philippe Gendreau, auteur de GAFAM, le monstre à cinq têtes, qui vient de paraître aux éditions Écosociété.
«C’est en train de prendre la forme que ces grandes compagnies-là planifiaient depuis un bon moment. Ce sont des actions mûrement réfléchies», va jusqu’à dire l’enseignant en éthique et médias à l’école Ozias-Leduc, de Mont-Saint-Hilaire.
Le danger, selon lui, est que ces groupes «ont des entrées pour faire du lobbying». «C’est au plus fort la poche», souffle-t-il.
Montée de lait de Facebook
Il y a une semaine, Facebook a provoqué la colère du gouvernement en bloquant des sites d’information alors que le pays poussait pour adopter une loi pour les forcer à payer les médias pour leurs contenus.
«C’est une attaque à la démocratie», était allé jusqu’à dire le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez. «C’est inacceptable et on ne va pas permettre à cette intimidation de fonctionner», avait ajouté le premier ministre Justin Trudeau.
Or, pour Philippe Gendreau, il y a lieu de se demander «si c’est ça de respecter la démocratie que d’essayer d’intimider le politique en privant les citoyens d’information».
«Elles ne respectent pas du tout leur clientèle. Intimidation, non-respect du consentement, évasion fiscale... on n’en est pas aux premiers signes d’entreprises délinquantes», poursuit le professeur.
D’après Philippe Gendreau, les GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] et les courtiers devenus accrocs à nos données personnelles sont carrément devenus des «agents du capitalisme de surveillance [qui] représentent une sérieuse menace à la démocratie».
Démocratie en danger
Dans son essai, Philippe Gendreau décortique avec minutie ce qui donne le pouvoir aux GAFAM, «le nouvel or noir»: nos données.
«Leur objectif est d’augmenter leurs profits, pas de soigner la démocratie», s’inquiète-t-il en énumérant les dérives.
«Il y a eu manipulation pour le BREXIT [retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne]. Il y a eu manipulation pour plusieurs élections, dont les élections américaines de 2016. On sait que les prochaines élections américaines pourraient être affectées», prévient-il.
Il pointe aussi du doigt le géant chinois TikTok, qui tisse patiemment sa toile pour scruter les goûts de la jeune génération avec ses puissants algorithmes. Les géants du web chinois, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) devraient aussi nous préoccuper, selon Philippe Gendreau.
«On leur donne un accès à notre personnalité vraiment profonde», souligne-t-il.
«Les partis politiques se régalent d’avoir accès à des données aussi intimes. Il y a un croisement avec le politique, alors qu’il y a des décisions à prendre», conclut-il.