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Essai: insolite Iran

L'usure du monde
Photo fournie par les Éditions Gallimard


Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’écrivain français François-Henri Désérable, dans la trentaine (il est né en 1987), n’a pas peur des grands défis et qu’il aime faire preuve d’une « audace imprudente ». 

Il se rend en Iran, après avoir obtenu un visa par la porte de derrière, au plus fort des manifestations qui éclatent à la suite de la mort de Masha Amini — je reviens plus bas sur cette sordide histoire — et malgré les mises en garde sévères du ministère français des Affaires étrangères : « Le risque d’arrestation et de détention arbitraire est très élevé, vous m’entendez, très, très élevé. S’ils vous arrêtent, ils monteront un dossier de toutes pièces, et ils vous condamneront pour Dieu sait quoi, espionnage, propagande, collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale, ils trouveront un motif – ils trouvent toujours un motif. [...] L’Iran n’est pas un État de droit, monsieur Désérable. Renoncez à votre voyage. » 

Mais Désérable n’a que faire de ces propos alarmistes, il veut emprunter les sentiers d’un écrivain suisse, Nicolas Bouvier, dont le récit de voyage paru en 1963, L’usage du monde, fut pour lui un « choc de lecture ». Ou une « déflagration comme j’en ai peu connu dans ma vie de lecteur. C’était prendre la vraie mesure du monde, en même temps que son pouls ». Ce livre de Bouvier était devenu sa Bible, dit-il. 

Mais voilà qu’une jeune femme iranienne, en visite chez son frère à Téhéran, se fait arrêter par la police des mœurs parce que son voile islamique ne couvre pas assez bien ses cheveux à leurs yeux. 

« Un peu plus tard, raconte l’auteur, on retrouve la jeune fille à l’hôpital, dans le coma. Les autorités prétendent qu’on ne lui a rien fait, qu’on ne l’a pas touchée, qu’elle s’est effondrée d’elle-même comme se fane une rose. C’est si courant chez les jeunes filles de vingt-deux ans. Un scanneur cérébral montre une fracture osseuse, une hémorragie et un œdème. Tout laisse à penser qu’on lui a porté des coups répétés à la tête. »

Témoin de La révolte

À la suite de son décès, des manifestations éclatent dans les grandes villes du pays. De jeunes filles défient la police en brûlant leur voile. Ces gestes ne demeureront pas impunis ; trois cent quatorze morts et plus de quatorze mille Iraniens jetés en prison, dont plusieurs étrangers. 

Ce qui au départ ne devait être qu’un voyage littéraire se transforme très tôt en excursion au cœur d’une révolte contre le régime des ayatollahs. Avec en prime, la liste détaillée des tortures, selon les époques. Cœur faible s’abstenir. Et un bref exposé sur l’arrivée de l’Ayatollah Khomeini au pouvoir. En 1979, après un an de manifestations contre le régime du Shah, le peuple obtient son départ pour l’exil. Les islamistes, des chiites, vont en profiter pour confisquer la révolution et accaparer le pouvoir. Aussitôt, ils ordonnent aux femmes de porter le hijab.

« Quatre ans plus tard, soixante-douze coups de fouet sont promis à celles qui s’aventurent tête nue dans la rue. »

Poursuite du voyage

Désérable n’en continue pas moins son périple sur les traces de son écrivain fétiche, Bouvier, une soixantaine d’années plus tard. De la ville de Qom, où toutes les femmes portent le tchador, y compris les fillettes de cinq ans, il part pour Kashan où chaque maison semble historique. Puis pour Ispahan. 

« Visiter Ispahan, c’est faire provision de bleu pour le restant de ses jours », écrit-il. Vient ensuite la ville de Chiraz, « ses palmiers, ses cyprès, sa roseraie, ses fontaines. Son pavillon qui remonte aux Qadjars. Ses chats. » 

Puis son fameux bazar, et le mausolée de Hafez, le prince des poètes connu de tous les Iraniens. À Abarkouh, il admire le cyprès vieux de quatre mille cinq cents ans. À Yazd, il lévite quelque peu devant « un feu sacré allumé voici plus de mille cinq cents ans », que des prêtres, adeptes de Zarathoustra, alimentent avec du bois de prunier. Ville après ville, entre déserts et oasis, Désérable poursuit sa route, parsemée de rencontres parfois fulgurantes, d’événements douloureux et de sites inoubliables, comme cette mosquée sunnite, avec ses cinquante-deux dômes, ses quatre minarets hauts de quatre-vingt-douze mètres, pouvant accueillir soixante mille personnes. 

Il sera finalement éconduit du pays, sans qu’on l’accuse de quoi que ce soit. L’Iran lui était désormais interdit.

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Introduction à la vie sans fin

L'usure du monde
Photo fournie par les Éditions du Boréal

Curieux livre que celui de Vincent Lambert, au titre envoûtant. Quoi de plus naturel, pour celui qui aime la littérature, « ce grand réservoir de nos virtualités », d’y chercher des réponses à ses questionnements. 

Dans ces vingt-cinq textes, publiés dans les revues Contre-jour et L’Inconvénient, l’auteur tente de voir clair dans ce qui nous retient à la vie et dans ce qui nous distingue les uns des autres. Vaste programme où l’on risque de tourner en rond à l’infini, comme un chat se mordant la queue. À l’âge où se forment le caractère et l’individualité, certains mots ont une plus grande résonance que d’autres. On exècre les tentatives de prises de contrôle (de nos corps, de nos esprits) et toute forme de totalitarisme, mais on accueille chaudement le doute, le scepticisme et un certain désordre qui nous réconcilie avec la réalité imparfaite. Démystifier les croyances, défendre l’incompréhension, les anomalies, le désordre, l’opacité, oui, à condition qu’on s’y retrouve. « Le silence, peut-être, est la réponse. » 

S’engager en amitié

L'usure du monde
Photo fournie par les Éditions Écosociété

L’amitié, c’est quelque chose d’important, nous dit l’auteure, et pourtant on en parle si peu. Partout, on offre des forfaits pour les personnes en couple, avec ou sans enfants, « mais il n’y a jamais de rabais pour les petits groupes d’ami·e·s... », déplore-t-elle. Or, « les amitiés profondes ont souvent quelque chose d’inconditionnel, et c’est ce qui fait leur force ».

Dans cet ouvrage, Toffoli s’intéresse à une diversité de types de relations amicales, ainsi qu’à leurs dimensions intimes et sociales, à partir de nombreux témoignages. Amitiés féminines et masculines, amitiés occasionnelles, amitiés qui durent, amitiés qui se transforment en amour, aucun aspect n’est négligé. Car l’amitié vraie peut nous transformer et transformer également le monde dans lequel nous vivons. Vive l’amitié !







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