Produits modifiés à l'épicerie: toujours moins pour notre argent
Les consommateurs ne sont pas les seuls à devoir gérer la hausse du prix des aliments. Les entreprises qui fabriquent la nourriture sont dans le même bateau et elles modifient la recette de leurs produits afin d'économiser de l’argent. Notre santé est-elle en jeu?
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«Je fais le parallèle avec les pesticides. Ceux qu’on utilise en alimentation sont tous sécuritaires de façon individuelle. Mais est-ce que le cocktail est toxique?» illustre l’agronome et économiste Pascal Thériault, de l’Université McGill.
Il parle du remplacement d’ingrédients entiers par des extraits, comme du cacao qui devient de l’extrait de cacao et qui fait qu’une barre tendre ne contient plus de chocolat.
Ce phénomène porte un nom: la déqualiflation (skimpflation en anglais), une combinaison des mots qualité et inflation qui veut dire qu’on réduit la qualité d’un produit.
C’est le petit frère de la réduflation, qui consiste à réduire la quantité d’un produit dans l’emballage et qui constitue une hausse de prix.
Le problème, dans les deux cas, c’est que les fabricants n’ont pas à le déclarer. «Les anciennes et les nouvelles versions ne se côtoient pas. Même si on voulait comparer les ingrédients, on ne peut pas», ajoute M. Thériault.
On passe en moyenne 30 minutes à l’épicerie, où se trouvent 50 000 produits, ce qui fait qu’on en voit 25 par seconde. «C’est certain qu’on n’a pas le temps de regarder ou de se souvenir des ingrédients», assure l’expert.
Pas nouveau, mais...
Si la déqualiflation n’a rien de nouveau, elle s’accompagne toujours d’une perte de la valeur nutritive d’un produit.
«Quand on remplace des ingrédients entiers par des extraits, qu’ils soient naturels ou pas, on perd de la valeur nutritive et on ne sait toujours pas les effets sur la santé», indique la nutritionniste Isabelle Marquis.
La multiplication des additifs, des agents de remplissage, des colorants et des arômes n’a pas encore été étudiée par la science suffisamment pour que la professionnelle se prononce.
Mais il est certain que quand «on n’a pas la vraie chose entière», la liste d’ingrédients s’allonge et les risques sont inconnus.
Des fruits qui deviennent des «saveurs de fruits», du lait entier qui devient des «extraits de lait», du beurre qui est remplacé par de l’huile végétale... les exemples pleuvent.
Cette perte de valeur nutritive s’explique toujours par des raisons économiques, insiste Mme Marquis.
5 exemples choquants de produits qui ont changé
Une hausse de prix peut revêtir différents aspects: une réduction du poids (réduflation) du produit ou un changement dans sa recette, par exemple. Voici quelques cas récents.
La recette du Gatorade
Ici, ce n’est pas le poids du produit qui a été réduit, mais sa «durée de vie». Il y a environ deux mois, il était indiqué que les 560 g donnaient jusqu’à 8 litres de la boisson. Maintenant, c’est jusqu’à 7 litres. Pepsi, qui possède Gatorade, assure que la recette n’a pas changé, qu’elle a seulement été «optimisée». Une chose est sûre: on passe à travers le produit plus rapidement maintenant.
Garniture pour tarte E.D. Smith
«C’est le meilleur exemple de déqualiflation actuellement», indique Sylvain Charlebois, expert en alimentation, au sujet de la garniture pour tarte à la citrouille E.D. Smith. L'huile végétale est récemment passée de la troisième à la sixième place dans la liste d’ingrédients. L’entreprise utilise maintenant plus d’eau, puisque le liquide vient d’apparaître à la troisième position.
La glace Häagen-Dazs
Ce produit a connu une double hausse de prix d’un seul coup. Le format de 500 ml de la marque très connue est d’abord passé à 450 ml, soit une perte de 10%, sans que le prix baisse, lui aussi. Ensuite, ce nouveau format est considéré comme une collation et est donc taxable. Et hop, 15% de plus à la caisse.
Barre collation Quaker Chewy aux brisures chocolatées
Coup de circuit pour ce produit. Le format est passé de 156 g à 120 g (de 6 à 5 barres), une hausse de prix substantielle. Il est aussi devenu une collation, donc un produit taxable: 15% de plus à la caisse. Et pour finir, le chocolat au lait a été remplacé par un «enrobage chocolaté», c’est-à-dire que la recette a changé pour contenir moins de cacao et moins de nutriments.
Pâtes Barilla
On le sait, le prix des pâtes a explosé depuis la pandémie. Un paquet qui coûtait 1,49$ vaut maintenant 2,99$, une hausse de 100%. Le coup de grâce? Les paquets ont été réduits, chez Barilla, de 454 à 410 g (10%).