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Une «rentrée funéraire» tumultueuse au cimetière Notre-Dame-des-Neiges après huit mois de conflit de travail

Voiture entrée cimetière
C'était l'heure de pointe au cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal pour sa réouverture, après environ huit mois de conflit de travail. Louis-Philippe Messier


À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.


Après la rentrée scolaire, c’était la «rentrée funéraire» lundi matin au plus grand cimetière du Québec, lequel rouvrait ses immenses grilles de fer forgé au public après environ huit mois de fermeture en raison d’un conflit de travail.

Vers 11 h, c'était heure de pointe pour photographier la file de voitures devant l’une des principales entrées, j’ai donc dû me reculer dans le chemin de la Côte-de-Neiges.

Il y avait deux types de visiteurs lundi: les contents et les fâchés.

Ceux qui retrouvaient leur grand parc urbain pour le jogging, la marche ou l’ornithologie souriaient.

Les retraités Jean-Claude Drapeau, Yvon Gaudet et Réjean Lavallée arpentaient à la course le terrain pentu.

«Je compte me faire enterrer ici avec un arbre par-dessus mes cendres en guise de sépulture», m’a confié Ginette, une femme du quartier qui renouait enfin avec le parc où elle marche depuis 20 ans.

Voiture entrée cimetière
Les joggeurs Jean-Claude Drapeau Réjean Lavallée et Yvon Gaudet à droite retrouvaient joyeusement un de leurs terrains de course champêtres préférés. Louis-Philippe Messier

Mais chez ceux dont un proche est mort pendant les mois de fermeture, les comptes ne sont pas forcément encore réglés...

Certains visiteurs lançaient des insultes aux employés qu’ils apercevaient à l’ouvrage sur le terrain.

Près de l’édifice administratif, dont les portes étaient fermées pendant ma visite matinale, des gens en colère discutaient entre eux.

  • Écoutez l'entrevue avec Éric Dufault, président du syndicat des employés de bureau, via QUB radio :

«Comme si la mort de ma mère Pénélope ne suffisait pas, ma famille a dû vivre pendant des mois en la sachant dans un congélateur sur une tablette comme dans un Home Depot», déplore Jimmy Koliakoudakis.

De 350 à 400 dépouilles en attente ont été mises «dans le frigo» pendant des mois, selon le Syndicat des employés de bureau du Cimetière.

«J’ai perdu ma fille de 43 ans, Nancy, en juin... et j’ai pu lui donner la place au mausolée que j’avais acheté pour moi», raconte Salvatore Gagliardi.

  • Écoutez l'entrevue avec Paul Caghassi à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio : 

Comme l’inhumation en mausolée (sorte de «nécro-condo» de cercueils insérés dans des niches scellées) n’implique pas de machinerie lourde, ces sépultures continuaient malgré la grève.

«Comme c’était un samedi, on m’a facturé un surplus de 1250$ même si on avait déjà acheté deux places au mausolée pour plus de 30 000$!» 

«Nous sommes ici pour finaliser la plaque de notre fille en ajoutant le lettrage et les décorations, mais il n’y a personne au bureau et ça ne répond pas», s’exaspère, en pleurant, Louise Gagliardi. 

Voiture entrée cimetière
Louise et Salvatore Gagliardi se sont butés à des portes closes en voulant parler à des gens pour finaliser la plaque funéraire de leur fille Nancy, morte en juin dernier et inhumée dans le mausolée Esther-Blondin. Louis-Philippe Messier

Les employés qui se seraient normalement occupés de Mme Gagliardi sont toujours en grève, quant à eux, et en piquetage devant l’entrée. Car le conflit est réglé avec les cols bleus, mais pas avec les cols blancs...

«Quelque chose ne tourne pas rond avec ce cimetière, et ce n’est pas la faute des employés si l’organisation a changé six ou sept fois de directeurs en quelques années et si le cimetière a cumulé des déficits de 10 à 12 millions par année depuis 10 ou 12 ans», commente Alain Tremblay, le fondateur de l’Écomusée du patrimoine funéraire et commémoratif, qui suit le dossier de près depuis des années.

Du côté de la Fabrique, qui administre le cimetière, on assure pouvoir honorer tous les services aux familles des défunts. 

«Les enterrements ont repris depuis deux semaines et nous nous donnons jusqu’à décembre pour rattraper complètement le retard», dit Michel St-Amour, administrateur bénévole. 

Au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, si les morts reposent en paix, on ne peut décidément pas dire la même chose des vivants.







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