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J’étais pompiste à l’âge de 9 ans

CHRONIQUE - Rodger Brulotte
Photo d’archives


Stéphane Richer est le dernier joueur qui a marqué 50 buts dans une saison avec le Canadien. Il a grandi à Ripon, situé à quelques kilomètres de Thurso, le patelin de Guy Lafleur, le héros de son village. Tout le monde voulait porter son numéro 10, mais c’était interdit, car la direction du hockey mineur ne voulait pas favoriser un joueur.
 

Stéphane a remporté la coupe Stanley. Cependant, le plus grand moment de sa vie est celui où l’Hôpital juif de Montréal l’a honoré pour son implication dans l’aide aux enfants souffrant de troubles de santé mentale.


Guy Lafleur t’a varlopé plus d’une fois.

Pour me motiver comme joueur à l’occasion, il critiquait mon jeu aux journalistes. Il m’a fait comprendre l’importance de prendre le temps de signer des autographes pour les jeunes et de m’impliquer dans la société.  


Tes parents t’ont inculqué de belles valeurs.

Mon père, Jean-Paul, et ma mère, Pauline, m’ont enseigné l’importance du respect d’autrui et l’appréciation des trois repas que j’avais par jour. Plusieurs enfants n’ont pas ce luxe. 


Ton père travaillait au Canadien Pacifique à l’entretien des voies ferrées et des ponts.

Il partait tôt le matin, tandis que ma mère travaillait dans les centres d’accueil de la région. Ils ont insisté pour que je comprenne l’importance des sacrifices que je devais faire dès mon plus jeune âge.


Tu travaillais à la station d’essence près de chez vous. 

À l’âge de 9 ans, et jusqu’à mon départ pour jouer au hockey à Hull à l’âge de 13 ans, j’étais pompiste. Le midi, ma mère se déplaçait pour m’apporter mon repas. 


Tu avais établi un système pour les pourboires.

Lorsque le client me demandait de faire le plein, je m’assurais d’arrêter avec un montant de 25 cents de moins que le plein. Mon père n’appréciait pas du tout mon système. 


Tu faisais quoi avec tes pourboires ?

Nous n’étions pas une famille riche. Mes pourboires m’ont permis de m’acheter mes fournitures pour l’école, du linge pour m’habiller et sans oublier qu’à l’époque, pour 25 cents, je pouvais me procurer un sac de chips, une barre de chocolat et un Coke. 


Tu partageais ton bâton de hockey.

Mon coéquipier et moi avions qu’un seul bâton pour nous deux. Lors d’un changement de lignes, je lui donnais le seul et unique bâton que nous partagions. Il ne fallait pas le briser.  


Le stationnement du cimetière, de l’église et de l’école était votre terrain de jeu.

Les trois endroits s’étaient jumelés pour faire un immense stationnement qui est devenu l’été et l’hiver notre terrain de soccer et de hockey. 


Ton gardien de but favori était Ed Giacomin des Rangers !

Premièrement, tu dois comprendre la situation. Mon père ne voulait pas que je joue en tant qu’attaquant qui priverait un autre jeune de marquer des buts. 


Mais pourquoi Ed Giacomin ?

J’aimais la sonorité de son nom. Lors des séries de 1995, je l’ai croisé dans le corridor avant un match, je lui ai demandé de me signer un autographe.


À 13 ans, Pat Burns était ton entraîneur à Hull. 

Je mesurais 5’3’’ et je pesais à peine 130 livres. Il y avait une équipe d’étoiles midget à Hull. Cependant, mes parents n’avaient pas les moyens financiers afin que je puisse y aller. Les dirigeants ont payé ma pension chez une formidable famille dont le fils, Guy Charbonneau, évoluait pour Hull dans LHJMQ.


Comment était Pat Burns ?

Tout comme dans la LNH, une personne sévère, mais toujours présente pour t’aider dans des moments difficiles. Il était un agent double dans la police, mais il trouvait le temps pour nous permettre d’être de meilleurs joueurs. 


Tu ne voulais pas retourner travailler sur les voies ferrées.

Certainement. Souvent, les gens ne réalisent pas que tu as 13 ans et cela n’est que le début de ton éloignement de la maison et de ta vie familiale. Ils ne s’imaginent pas les sacrifices que les familles et les jeunes doivent faire. Tes parents et tes amis ne sont plus présents, car tu recommences chaque année dans une nouvelle ville.


Tu t’es promené.

À Hull, Laval Midget AAA, Granby, avec Patrick Roy, et Chicoutimi, avec Marc Bergevin dans la LHJMQ. Ce ne fut pas facile de s’ajuster continuellement aux changements d’environnement. 


Tu te perdais en autobus.

À Ripon, l’école était à une rue de chez moi, tandis qu’à Hull, j’avais un trajet en autobus de 45 minutes et souvent je me trompais d’autobus. À Laval, je demeurais à Saint-François. L’endroit lavallois que j’ai vu le plus souvent, c’était le pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, qui était situé tout près de l’aréna.


Ton entraîneur, Roger Picard t’a bien aidé à Granby.

M. Picard était un entraîneur intense qui m’a fait comprendre de ne jamais abandonner si je voulais jouer dans LNH. M. Picard avait plus de 30 ans quand il a fait ses débuts dans LNH avec les Blues de Saint-Louis. 


Ton coéquipier était Patrick Roy à Granby. 

Tout un compétiteur. Je me souviens encore de notre premier passage au camp d’entraînement du Canadien : « Stéph, un jour on va gagner ensemble la coupe Stanley avec le Canadien ».


Pourquoi as-tu porté le numéro 44 ?

L’idole de mon père était monsieur Jean Béliveau. Mon père portait le numéro 4 avec toutes les équipes avec qui il a joué et je l’ai imité dans notre région. Lorsque le Canadien m’a rappelé pour jouer contre les Nordiques, je portais le numéro 22. L’année suivante, j’ai choisi le numéro 44 pour rendre hommage à Jean Béliveau et à mon père. 


Ton épouse joue un rôle important dans ta vie

Je suis avec mon épouse, Leisa Guévremont, depuis 25 ans. Elle est une aussi ma partenaire d’affaires. Un joueur de hockey vit souvent des moments difficiles, mais elle a toujours été présente pour m’appuyer. Je suis choyé de compter sur une telle femme. 







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