/opinion/faitesladifference
Publicité

Immigration et simplicité volontaire

Immigration form Canada
Photo Fotolia


Alors qu’on se questionne de plus en plus partout au Canada sur les liens entre l’immigration et la crise du logement, il était plutôt sidérant d’entendre Justin Trudeau mentionner, mercredi, en conférence de presse que cette crise en était une de l’offre purement et simplement.  

De toute évidence, Justin Trudeau ne maîtrise pas un concept simple comme celui de l’offre et de la demande. Ainsi quand vous stimulez la demande à coups de puissants stéroïdes en accueillant plus d’un million de nouveaux arrivants par année, il est impossible que l’offre de logements et de services (écoles, santé et autres) soit au diapason. Il faudrait quelque chose comme un plan Marshall pour y parvenir. 

Il faut toutefois se demander pourquoi les libéraux persistent à entretenir cette croyance voulant que l’immigration soit économiquement une potion magique qui règle en elle-même tous les problèmes.  

C’est un peu comme cette idée défendue par les économistes de droite qui veut que les baisses d’impôts consentis aux riches profitent aux pauvres par la magie de ce qu’on a appelle le ruissellement, une thèse invalidée par les faits. Ici, le ruissellement est démographique et ressemble à cette fameuse phrase tirée du célèbre film Field of Dreams, mais à l’envers : « Laissez-les venir et ils vont construire ». Accueillez-les en très grand nombre et tous les problèmes du Canada, à commencer par ceux de la rareté de la main-d’œuvre, vont se résoudre par magie. Même pas besoin d’aucune planification. 

Réels objectifs 

En réalité, quel objectif se cache derrière cette immigration folle qui fait du Canada le champion mondial per capita de l’accueil de nouveaux arrivants ? Est-ce la légendaire générosité canadienne dans laquelle aime se draper le premier ministre qui, en 2017, voulait accueillir toute la misère du monde entier face à un Donald Trump perçu comme un anti-immigrant ? Ou est-ce plutôt un plan de croissance ambitieux, tout à fait dans l’esprit des grands capitalistes du pays et parfaitement incarné par le projet Initiative du siècle du cabinet Mckinsey ? Objectif : 100 millions de Canadiens en 2100. Laissez-moi tenter une réponse courte. 

Questionnés sur l’immigration au Canada, à peu près tous les représentants du patronat du pays répondent en chœur ces mots devenus paroles bibliques : « elle est nécessaire à cause des besoins en main-d’œuvre ». Je compléterai pour eux la portion manquante : « elle est nécessaire à cause des besoins en main-d’œuvre et parce qu’il faut soutenir coûte que coûte la croissance ». La croissance, n’est-ce pas l’essence du capitalisme ? Toujours plus, toujours plus gros et, dans l’esprit de Mckinsey, toujours plus nombreux. Exactement le genre de logique qui nous mène actuellement au bord du précipice. 

Parce que la crise climatique dont on a vu cette année les effets catastrophiques ainsi que des phénomènes tels que la désertification, la disparition des espèces et même l’usage croissant des paradis fiscaux ou l’obsolescence programmée découlent tous de cette philosophie de croissance à tout prix et de surconsommation qui est le fondement de notre économie. Alors que ce que nous apprennent la plupart des environnementalistes, c’est qu’il nous faudrait adopter la philosophie inverse : réduire le gaspillage, être économe, être beaucoup plus efficace. 

Crise environnementale 

Faut-il rappeler ici que le Canada est l’un des pires pays en occident pour la productivité, et ce, depuis des décennies ? Évidemment, il est plus facile de faire venir du « cheap labor » de l’extérieur que d’investir dans une meilleure organisation du travail. Mieux former les gens que nous avons déjà en terre canadienne, inciter les aînés à demeurer le plus longtemps possible sur le marché du travail, favoriser l’automation des chaînes de montage (elle n’est pas complète...), faire preuve d’innovation, voilà qui est plus ardu que d’ouvrir toutes grandes les portes du pays. 

J’entends les voix s’élever qui réclament plus d’immigrants pour réparer l’injustice climatique. Si vous voulez aider les pays menacés par la crise environnementale, faites le contraire du gouvernement canadien. En premier lieu, respectez la parole donnée et souciez-vous d’atteindre vos objectifs d’émission de CO2 et, surtout, cessez d’encourager les grands pollueurs (pétrolières, minières et autres gaspilleurs de ressources invétérés). Les effets des changements climatiques sur les populations vulnérables seront ainsi peut-être plus limités. Ensuite, augmenter considérablement l’aide internationale en proportion des dommages causés aux victimes des changements climatiques. 

Ce qu’il nous faut globalement, c’est de renverser la vapeur et d’abandonner la notion de « Never too big » par « Small is beautiful ». Il y a une expression fabuleuse en français pour résumer tout ça : la simplicité volontaire.  

En outre, la lutte contre les changements climatiques passe par une immigration contrôlée et non par une volonté débilitante de devenir une sorte de super power nordique. En somme, faisons mieux avec moins. Pas avec toujours plus... 

Immigration form Canada
Photo fournie par Marc Tremblay

Marc Tremblay, diplômé en sciences politiques et retraité des communications

 







Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.