Nouveau casse-tête dans le réseau scolaire: des écoles abandonnent les lettres attachées
Un peu partout au Québec, des écoles primaires ont cessé d’enseigner l’écriture en lettres attachées aux élèves, un choix qui se transforme parfois en casse-tête lorsqu’un enfant change d'établissement.
Si au ministère de l’Éducation, on claironne que « les techniques de l'écriture scripte et cursive doivent être vues » au Québec, sur le terrain, l’apprentissage diffère désormais d’une école à l’autre.
Certains établissements enseignent uniquement le script, d’autres seulement les lettres attachées, et d’autres inculquent les deux aux gamins. Dans un même centre de services scolaires ou un même quartier, il peut y avoir plusieurs pratiques diverses.
« C’est très différent à travers le Québec, il n’y a pas de ligne unanime, la majorité pratique encore les deux types d’écriture, autant le cursif que le script. Mais le cursif disparaît tranquillement. De plus en plus, la tendance qu’on voit, ce n’est pas généralisé, mais s’il y a une tendance, c’est que tranquillement, le cursif disparaît », admet Nicolas Prévost, le président de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement. Ce dernier précise qu’il n’y a pas actuellement de statistiques précises à ce sujet, les décisions étant souvent prises par l’équipe-école.
M. Prévost souligne qu’il est plus facile pour un enfant d’apprendre à écrire en lettres attachées. Le mouvement est plus fluide et continu, ce qui est préférable chez les jeunes qui souffrent de dyspraxie ou de problèmes de coordination des mouvements.
« Le script, c’est plus difficile au niveau mécanique, mais tout est bâti au niveau du script. Les évaluations, la lecture, tout l’apprentissage de la lecture est basé sur ce style d’écriture, c’est pour ça que la tendance est plus d’aller vers ce côté-là », dit-il. Il y a deux écoles de pensée dans ce domaine, ajoute-t-il.
Changer d’école... et d’écriture
Le directeur d’école reconnaît toutefois que la disparité des pratiques à travers le réseau pose certains défis aux élèves qui changent d’établissement durant leur parcours scolaire.
Un enfant ne connaissant pas l’écriture en lettres attachées devra l’apprendre à vitesse grand V dans un nouvel établissement où cette technique est priorisée.
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« C’est sûr qu’on va le déstabiliser », convient le président de la FQDEE, qui ajoute que cet apprentissage se fait tout de même assez rapidement, surtout chez les plus jeunes. « Pour des élèves de 5e ou 6e année, qui ont toujours vécu dans du script, qui arrivent dans le cursif, le choc peut être plus grand ». Il souligne que la responsabilité d’enseigner revient à la nouvelle école, souvent à l’orthopédagogue.
L’Ontario réintègre les lettres attachées
Pendant ce temps, en Ontario, l’inverse se produit. La province vient de réintégrer l’écriture en lettres attachées obligatoire pour tous après avoir délaissé cette technique d’apprentissage pendant plus de 15 ans.
Et pour cause, si on en croit la doctorante au département de didactique de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, Marjorie Cuerrier. Cette dernière croit que le Québec devrait suivre l’exemple ontarien et se doter d’une règle claire et uniforme pour l’apprentissage de l’écriture. À l’heure actuelle, il n’y a pas de « directive claire » dans le programme québécois.
« L’Ontario, ça fait un bon moment qu’ils s’intéressent à la question de l’écriture, et avec cette nouvelle politique-là, l’objectif est assez clair : soutenir la réussite éducative par les données de recherche. Eux, ils vont y aller avec ce qui semble le plus avantageux, et à l’heure actuelle, les recherches vont vraiment miser sur l’écriture cursive », précise-t-elle.
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L’avantage des lettres attachées
L’apprentissage des cursives permet aux enfants d’écrire de manière plus rapide et fluide puisque le nombre de levées de crayon est limité et qu’on enchaîne des lettres dans un mouvement continu. Il y aurait moins, voire aucun problème d’espacement entre les lettres et les mots chez les petits apprenants, ni d’erreur entre les lettres b et d, et entre le p et le q. « Ce sont des erreurs qui sont très très fréquentes en script et pratiquement peu en lettres cursives », insiste la doctorante.
Mme Cuerrier souligne que l’enseignement des deux techniques d’écriture, comme c’est le cas encore au Québec, crée une « surchage » chez l’élève, qui sera alors plus lent à maîtriser la graphomotricité et l’orthographie. La première étape serait donc de sélectionner un seul style. « On en choisit un, et si c’est l’écriture cursive, c’est d’autant plus efficace », renchérit l’universitaire, qui déplore qu’on n'ait aucune donnée permettant d’établir le portrait de la situation.
Le gouvernement admet que la recherche a évolué et que des « réflexions » sont en cours au ministère de l’Éducation. La question du style de calligraphie sera notamment abordée dans le cadre des travaux sur la révision des programmes de français, annoncée en juin dernier.