L’itinérance nouvelle de milliers de femmes est une honte nationale
Les femmes sans domicile fixe sont tout d’abord des proies mouvantes. Elles sont facilement violées, battues, volées, exploitées
Legault

Dans ma chronique d’hier, j’expliquais comment la crise du logement s’est non seulement étendue, elle s’est complexifiée. Ses visages sont maintenant multiples. L’itinérance en est de loin le plus visible.
Nous voilà bien loin de l’époque de ceux, jadis peu nombreux, qu’on appelait les clochards ou les quêteux. Aujourd’hui, plus de 10 000 personnes au Québec sont sans domicile fixe. Un bond effarant de 44 % en cinq ans.
Ce sont des jeunes de la DPJ. Des personnes évincées par des propriétaires cupides. Des victimes de la crise des opioïdes. Des aînés appauvris ou des personnes sur l’aide sociale incapables de payer les loyers de fou actuels.
Des gens atteints de maladies mentales sans suivi médical. Des exilés autochtones. Des réfugiés. Des travailleurs à faibles revenus. Etc.
N’en jetez plus. La cour des laissés-pour-compte dans notre société pourtant riche est archi pleine. Oui, ceci est bel et bien une crise humanitaire.
Autre phénomène nouveau : 30 % des sans-abri sont des femmes. Tous âges, conditions, régions et origines confondus, elles sont plus de 3000. Du jamais vu au Québec.
Or, les femmes sans domicile fixe sont tout d’abord des proies mouvantes. Elles sont facilement violées, battues, volées, exploitées, etc.
Sans les ressources dont ils ont vraiment besoin, les refuges pour femmes débordent de partout. Obligés de refuser quotidiennement plusieurs femmes venues frapper à leur porte pour de l’aide.
Ces milliers de femmes se retrouvent sans domicile pour une kyrielle de raisons. Victimes d’une rénoviction. D’une hausse exagérée de loyer. De violence conjugale. D’une séparation traumatisante.
Une aberration sociale
Il faut savoir qu’ici, sans mariage ou contrat de vie commune, la séparation laisse les femmes déjà moins fortunées sans le moindre droit à une compensation financière ou au partage du patrimoine. Une aberration sociale.
Le phénomène de l’itinérance « au féminin » a pris une telle ampleur que les médias multiplient les reportages crève-cœur sur cette réalité brutale.
Catherine Bouchard de TVA rapporte qu’à « la maison Jacqueline, on a déjà dû effectuer 5600 refus d’hébergement depuis janvier, faute d’espace. Si la tendance se maintient, ce sera deux fois plus de refus que l’année précédente. »
Thomas Gerbet de Radio-Canada rapporte que le refuge La rue des Femmes, à Montréal, est plein à craquer. Selon la directrice générale, Léonie Couture, « par manque de place, on refuse jusqu’à 30 femmes par jour. Elles ne devraient pas dormir dehors, c’est trop dangereux ».
Et comment oublier le cri du cœur de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, sur une jeune femme sans-abri obligée d’accoucher dans un bois comme au temps de la colonie ?
Des histoires d’horreur comme celles-là, il y en a maintenant partout à travers le Québec. Une vraie honte nationale.
Elles sont nos mères et nos soeurs
Ce dont ces femmes ont besoin ce sont des logements décents, bien sûr. La dignité retrouvée d’avoir son chez-soi.
Mais les intervenantes dans les refuges savent aussi que le soutien et les soins – oui, les soins ! –, dont elles ont besoin en santé et services sociaux devraient être nettement mieux adaptés à leurs situations spécifiques.
Pour rebâtir leur confiance souvent détruite par une séparation, la pauvreté, la violence ou une enfance souffrante, plusieurs ont besoin de suivis en psychologie, de soutien social et d’aide financière.
Ces femmes sont nos mères, nos sœurs, nos filles, nos amies, nos grands-mères. N’est-ce pas là comment les décideurs politiques devraient s’efforcer eux-mêmes de les voir ?
S’ils le faisaient, ils agiraient de manière nettement mieux adaptée aux besoins différents de ces milliers de femmes d’ici, beaucoup trop nombreuses à se retrouver à la rue.