





Novembre 1994. Lucien Bouchard, alors âgé de 56 ans, est le chef du Bloc québécois, qui forme l’opposition officielle à Ottawa depuis un an. Admis à l’Hôpital Saint-Luc, à Montréal, pour une douleur à la jambe gauche, il apprend qu’il est atteint d’une myosite nécrosante, streptocoque de type A, mieux connu sous le nom de «bactérie mangeuse de chair» et que sa jambe doit être amputée.
Pour une rare fois, il a accepté de revivre avec nous ces événements douloureux qui lui ont donné plus que jamais l’envie de vivre.
Monsieur Bouchard, que vous est-il arrivé en novembre 1994 ?
C’était la fin de la session à Ottawa. J’étais très fatigué, épuisé. J’avais mal à la jambe. Je dormais très mal. À l’hôpital, ils ont d’abord pensé que c’était une phlébite et ils m’ont renvoyé chez moi. Mais la douleur ne se calmait pas. J’y suis retourné car mon mollet était rouge et enflé. Et c’est là qu’ils ont diagnostiqué une attaque de la bactérie mangeuse de chair.
Je me souviens que j’étais dans mon lit à l’hôpital. À ma droite, il y avait ma femme Audrey et, à ma gauche, deux médecins, les Drs Pierre Ghosn et Patrick D’Amico. Et on m’annonce, comme ça, de but en blanc: «Il faut vous couper la jambe.»
Je n’étais pas totalement lucide, j’étais très médicamenté à cause de la douleur, mais je comprenais très bien qu’on voulait m’amputer. Je réponds: «Oui... mais où?»
Le Dr Ghosn, qui a des grosses mains de chirurgien, a donné un coup à mi-cuisse. Il a dit: «Je coupe... là». C’est un gars décidé! On parle quand même de couper la jambe de quelqu’un qui est en santé, qui est actif, faut le faire, là!
Le choix était clair: c’était soit l’amputation, soit j’allais mourir. Manifestement, ils avaient convaincu Audrey avant. J’ai donné mon accord.
Comment avez-vous réagi quand vous avez su qu’on allait vous amputer ?
C’est étrange... mais c’est un grand soulagement. Ça faisait tellement mal. Il faut couper, on coupe! Ça se passe vite. Il n’y a pas d’états d’âme. C’est l’instinct de survie qui prend le contrôle.
Vous a-t-on opéré sur-le-champ ?
Immédiatement. On m’a préparé pour la chirurgie et on m’a emmené sur une civière.
Il y a eu plusieurs interventions, au moins trois, m’a-t-on dit. Ils coupaient et puis... ils devaient recouper plus haut. Parce que la bactérie continuait de monter. Par la suite, j’ai su que j’ai eu des transfusions sanguines à trois reprises.
Finalement, ils ne pouvaient pas monter plus haut, car la bactérie montait vers le cœur. Ils m’ont ouvert sur le côté, jusqu’aux aisselles. J’ai eu un gros trou sur le côté, qui a pris plusieurs mois à guérir tellement c’était profond. Ils sont allés chercher la bactérie.
Pendant tout ce temps-là, les médecins cherchaient à enrayer la montée, les ravages de la bactérie. Il n’y avait pas de protocole connu à l’époque. J’étais bourré d’antibiotiques, mais ça ne suffisait pas. Ça n’arrêtait pas la progression.
Il y avait une équipe d’immunologues et de chercheurs de l’Hôpital Saint-Luc qui a travaillé jour et nuit et qui était en communication avec tous les centres de recherche du monde. Finalement, ils ont trouvé un traitement. C’était à la dernière seconde, parce qu’ils avaient déjà annoncé à ma famille: «Venez vous-en, c’est fini.» Ma mère, mon frère Gérard, mes amis, mes proches sont venus à l’hôpital... Mais les médecins ont essayé quelque chose, un cocktail de traitements qui n’avait jamais été essayé et qui a fonctionné. J’ai été sauvé à la toute dernière minute.
Pendant toute cette période, vous n’étiez pas toujours conscient ? Vous ne saviez pas que vous alliez mourir ?
J’étais très médicamenté et pendant mon passage aux soins intensifs, j’étais parfois en plein délire. J’avais des hallucinations.
Qu’est-ce qui vous a fait tenir pendant cette épreuve ?
Le désir d’en sortir. La vie! Je ne voulais pas mourir. Mon fils Alexandre avait cinq ans, Simon avait trois ans et demi.
Audrey avait imprimé leurs photos et j’avais mes deux garçons devant moi, à la tête du lit.
Est-ce qu’ils sont venus vous voir à l’hôpital ?
Sur le tard, une fois que j’étais hors de danger. Pas avant, il ne fallait pas qu’ils me voient dans cet état-là. Audrey m’a raconté que la nuit où j’ai été opéré pour la première fois, elle est retournée à la maison prendre une douche. Alexandre s’est réveillé, il avait fait un cauchemar épouvantable. Il y avait une sorte de télépathie: au même moment, j’étais sur la table d’opération. Elle ne l’avait jamais vu faire une crise comme ça.
Est-ce que vous avez vécu des moments de découragement ?
Au moment où vous réalisez qu’il vous manque une jambe et qu’il y aura une très grande limitation dans vos mouvements et peut-être dans ce que vous pourrez faire de votre vie, c’est une crise. Il y a un moment de crise. Je l’ai vécu, un soir, pendant que j’étais en réadaptation.
C’est le désespoir ?
C’est noir, tout est noir, tout devient noir devant vous. Vous regardez ce que vous avez fait, vous regardez la trajectoire. On voit un mur devant soi.
Mais j’ai réglé la question ce soir-là. Je me suis battu avec cet «ange noir», puis je n’y ai plus pensé après.
J’ai pensé à mes enfants, j’ai pensé à Audrey, j’ai pensé à mes parents, à tous les gens qui m’entouraient. (Sa voix tremble) J’ai pensé à la vie! Monsieur Parizeau a eu une très belle phrase quand on a annoncé que je m’en sortirais. Il a dit que la vie avait triomphé.
Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un Lucien Bouchard d’avant et un Lucien Bouchard d’après novembre 1994 ?
Évidemment, il y a des changements extrêmement importants. D’abord, ça nous fait réaliser à quel point c’est beau la vie! Souvent, on se lève le matin et de petites affaires nous cachent la beauté de la vie. Et là, c’est comme un voile qui se déchire: on voit à quel point c’est beau! Les gens qui nous entourent, ça devient précieux.
Et puis, il y a le «sens du temps». On n’a plus de temps à perdre. Il n’y a pas une seconde à perdre, une seconde à «niaiser»! Il faut que tout devienne riche. Il faut qu’on profite de la vie dans le meilleur sens. Ça a décuplé mon ardeur à faire des choses. Effectivement, j’en ai fait pas mal plus après qu’avant. Après, il s’en est passé des affaires!
Diriez-vous que vous avez développé une urgence de vivre ?
Je parlerais plutôt de la nécessité d’en profiter au maximum, de ne rien laisser filer dans l’insignifiance, dans le désœuvrement, dans l’artificiel. Tout devient important. Tout devient beau. Tout devient magnifique. Et tout devient un défi.
Il faut faire ci, il faut faire ça, continuer, un pas de plus. Peu importe la rapidité du pas. Ça m’a beaucoup motivé. Ç’a été très porteur pour moi.
Et puis, après, on a envie d’aider les autres. Il m’arrive encore souvent de recevoir un coup de téléphone: «Monsieur Bouchard, ma mère vient de se faire enlever une jambe, mon fils vient de se faire enlever un bras. On a peur qu’ils dépriment.»
Des amputés découvrent qu’il y a une limitation qui n’était pas là avant. Je les appelle. Je leur parle.
Qu’est-ce que vous leur dites ?
Je leur raconte ce qui m’est arrivé. Et je leur dis que je comprends ce qu’ils vivent. Je leur décris comment ils se sentent, parce que je l’ai éprouvé. Et je leur dis qu’ils vont s’en sortir. Je leur garantis qu’ils vont s’en sortir. Il faut se donner un peu de temps, regarder les beautés de la vie. Il faut trouver leur moteur de motivation. Tout le monde a un moteur. Parfois les circonstances font que ça s’endort, que ça ne se déclenche pas. Il y a des réflexes de survie qui sont morts, il faut les réactiver.
Je leur dis: «Je suis passé par là. Et je m’en suis sorti. On s’en sort. Pensez à votre femme, vos enfants, vos parents et tout ce que la vie vous réserve de belles choses encore.»
Ça ressemble à ce que vous vous êtes dit le fameux soir où vous avez affronté «l’ange noir»...
Mais oui, c’est exactement ça!
Qu’est-ce que vous ressentez en revivant ce mois de novembre 1994 ?
C’est sûr que c’est dur de parler de ça. À l’époque, le cinéaste Claude Fournier, mon ami proche, était revenu de Paris pour passer tout le temps avec moi à l’hôpital, avec Audrey. Il a tenu un journal pendant les pires heures de ma maladie. Il m’en a remis une copie, il a la sienne. C’était très touchant, très dur au point de vue des émotions. Je l’ai lu, puis je l’ai déposé dans mon coffret de sécurité et je ne l’ai plus jamais relu depuis.
UNE RENCONTRE HISTORIQUE AVEC BILL CLINTON
Très rapidement, après sa convalescence à l’hôpital, Lucien Bouchard veut retourner à Ottawa. Comme chef de l’opposition, il a un travail important à accomplir. Quand il apprend que le président américain Bill Clinton sera en visite officielle à Ottawa le 23 février 1995, il est déterminé: «Il faut que je sois là.» Cette rencontre pourrait être un moment historique. Si Monsieur Bouchard rencontre Clinton, ce serait la première fois qu’un séparatiste québécois rencontre un président américain.
Lucien Bouchard commence en janvier 1995 à réapprendre à marcher à l’Institut de réadaptation de Montréal. «Je leur avais dit: “Il faut que je sorte vite. Il faut que je batte les records ici.” Je m’étais fixé un objectif. Il y a toutes sortes d’étapes dans la réadaptation. À chaque étape, je leur disais: “C’est quoi le record? Trois jours? Très bien. Je vais le faire en deux jours.” J’ai battu tous les records, un par un.»
Lucien Bouchard revient sur la colline du Parlement, à Ottawa le 22 février.
La rencontre entre Lucien Bouchard et Bill Clinton aura lieu le lendemain, le 23 février 1995. Soit à peine trois mois après que le patient Bouchard d’un hôpital de Montréal se soit fait amputer de la jambe gauche.

Le 12 septembre 2013, l’humoriste et animateur radio de CKOI 96,9 Peter MacLeod, alors âgé de 44 ans, frôle la mort dans un accident d’hydravion en Mauricie.
Il revient d’une semaine de pêche avec des amis, qui l’accompagnent dans deux autres avions. Seul aux commandes de son Cessna 180, il survole le lac Manouane, en Haute-Mauricie. L’avion qui le suit entre en collision avec le sien. Son aile gauche est détruite. Les 10 secondes suivantes seront déterminantes.
Faisant preuve d’un sang froid assez impressionnant, Peter MacLeod évalue rapidement, mais calmement, ses options.
S’il amerrit sur le lac, qui est trop étroit, son hydravion va rebondir à la surface de l’eau, il va frapper les troncs des arbres et mourra sûrement sur le champ. Il doit viser la cime des arbres et espérer que les épinettes ralentissent sa course.
Un buzzer retentit dans l’avion: c’est le signal que l’avion est en train de décrocher. Il faut qu’il entre de face dans la forêt et vise la tête des épinettes. «À partir du moment où je vise les arbres, je ne peux plus rien faire. Advienne que pourra. Ma surprise, à ce moment-là, c’est à quel point je suis devenu bien.»
Mentalement, MacLeod se prépare à mourir. Voyant sa fin arriver, il se rappelle très bien s’être dit: «Wow! j’ai eu toute une belle vie!» Mais il lâche un gros «câline!» bien senti, parce qu’il sait que le choc va être solide et qu’il va en manger toute une!
Par miracle, son avion s’immobilise. Mais alors que l’appareil est coincé dans les arbres, celui-ci fait une chute d’une dizaine de pieds. Suspendu entre ciel et terre, MacLeod n’a pas le temps de se réjouir d’avoir eu la vie sauve. Un autre danger le menace. Il sent un liquide l’inonder; c’est l’essence de son moteur. Le pilote sait le danger qu’il court: que l’essence prenne feu et l’engloutisse dans les flammes. Il défonce la porte de son appareil et se laisse tomber au sol. Il est en un seul morceau, seulement quelques égratignures. Mais il doit s’éloigner au plus vite de l’appareil, au cas où il explose.
Sur une petite souche d’arbre, en hauteur, il prend le temps de s’asseoir pour contempler son avion, qui n’est plus qu’un tas de ferraille, une carcasse froissée, une perte totale.
«Le sourire que j’ai eu, c’est incroyable. Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours fait une prière avant de faire dodo. Parfois aussi courte que “Merci, mon Dieu”. Je me suis dit: c’est aujourd’hui que ça a payé vraiment.»
Pendant deux heures, il sera isolé dans la forêt. Puis il entend des voix. C’est son ami Mario, qui tient une pourvoirie pas loin...
«Lui, il cherchait un corps. Il était sûr que j’étais mort. Je n’avais plus eu de communication avec les autres avions. Je ne pouvais pas leur dire que j’étais vivant: la seule chose qu’ils avaient vue, c’était mon avion s’écrasant dans le bois. Personne ne pouvait s’imaginer que quelqu’un était vivant là-dedans.»
«Quand Mario m’a vu, il m’a pris dans ses bras. Il pleurait comme un enfant».
Sa propre veillée funèbre
Plus tard, quand MacLeod retrouve ses amis qui l’accompagnaient et qui ont vu son avion s’écraser, il vit un drôle de moment, une scène surréaliste.
Ses amis étaient convaincus qu’il était mort dans l’écrasement: ils avaient commencé à faire leur deuil. Et ils parlent devant lui, comme s’il était absent.
«Quand je suis revenu, ils ne réalisaient pas encore que j’étais vivant. Ils avaient besoin de me dire à quel point ils avaient souffert pendant la période où ils me pensaient mort. C’est comme s’ils avaient besoin de se dire ce qu’ils avaient ressenti, de se consoler. J’avais l’impression d’assister à ma propre veillée funèbre!»
Un deuxième accident ?
Dès le lendemain de l’accident qui a failli lui coûter la vie, Peter MacLeod reprend l’avion, pour rentrer à Montréal, mais cette fois, ce n’est pas lui qui pilote. L’ami qui est aux commandes est terriblement angoissé par l’accident qui a failli coûter la vie à Peter la veille.
«Il était probablement plus atteint que moi. On a failli s’écraser... une deuxième fois. L’avion a rebondi, j’ai vu l’aile aller très près de l’eau. Tout s’est passé au ralenti. Puis finalement, l’avion s’est relevé.»
Depuis son accident, Peter MacLeod s’est racheté un avion et il pilote régulièrement.
Malgré son accident, il n’a pas perdu une once de sa passion pour l’aviation. Pourquoi? Parce qu’il n’y a que dans un avion, seul dans les airs, qu’il se sent vraiment libre.
LES CONTRECOUPS DE L’ACCIDENT
Le lundi après son accident, Peter MacLeod est en ondes à CKOI 96,9 pour raconter à son équipe et à ses auditeurs ce qui lui est arrivé.
Dans les mois qui ont suivi, il a continué à fonctionner comme si de rien n’était.
Ce n’est que deux ans plus tard, en septembre 2015, qu’il vit à retardement le choc de son accident. «C’était peut-être le moment le plus laid de ma vie. Trois, quatre mois de noirceur.»
Il vit une profonde remise en question. «Je me demandais: “Je cours après quoi? Je travaille donc bien! J’suis donc bien dur avec moi-même! Mes relations ne mènent jamais à rien, j’ai peur de m’investir.” J’avais une méthode parfaite pour ne pas souffrir: je me poussais avant de m’investir, pour ne pas me faire laisser.»
Grâce à un long travail sur lui-même, il fait un certain nombre de prises de conscience. «Avant, tout était géré par ma tête. L’accident a juste été un élément de plus pour me dire: “Contre qui tu te bats, Peter?”. Dans le fond, je me battais avec moi-même pour ne rien ressentir.»
L’homme est manifestement changé, ébranlé.
«Avant, je n’avais aucune connexion entre la tête et le cœur. Dans l’exercice que j’ai fait l’automne et l’hiver passés, j’en suis venu à la conclusion que pour agir comme je le faisais, il fallait que je ne m’aime pas. Pis quand tu viens à la conclusion que tu ne t’aimes pas, il faut que tu te donnes de l’amour. Et il faut que tu deviennes la personne la plus importante pour toi. J’ai dû passer plusieurs mois seul, j’ai dû m’isoler, j’étais en train de m’apprivoiser. Mes collègues de la radio ont vu que je faisais un travail sur moi, mais ils ont respecté ça. Ils ont été beaux, ils ont été bons. Mais c’était très difficile d’aller faire rire les gens au quotidien sur scène et à la radio... Mais cette année, avec tous les outils qui m’ont été offerts par le cheminement que j’ai fait, je regarde ça, et c’est probablement le plus beau cadeau que je me suis offert.»
Qu’a-t-il retenu de cet accident qui aurait pu lui être fatal?
«On a tous une vraie personne en nous qu’on cache, de peur d’être blessé.
«Si tu n’apprends pas, la vie va te donner une petite tape dans la face. Moi, dans ma vie, il y a eu beaucoup de tapes sur la gueule. Et l’accident d’avion, c’est une des grandes claques dans la gueule de ma vie. Ça a été un nouveau commencement. Le début d’une renaissance. Je me promène aujourd’hui et je ressens tellement les choses! J’ai arrêté d’être en mode “survie” et maintenant, je commence à vivre.»

Le 5 juillet 2013, Annie-Soleil Proteau, alors chroniqueuse à Sucré salé et coanimatrice de Deux filles le matin à TVA, participait à une course automobile à Mirabel.
Elle a choisi de relever un défi (participer au Grand Prix de Trois-Rivières) pour amasser des fonds pour Opération Enfant Soleil.
Elle a suivi pendant des semaines des cours de pilotage à la même école que Gilles et Jacques Villeneuve.
En ce jour de juillet, à 8 h 30 le matin, au volant de sa voiture de course, elle est fin prête pour son dernier tour de piste... Quand elle voit passer une voiture plus rapide qu’elle, elle dévie de sa trajectoire pour lui laisser le champ libre. Mais elle va trop vite (100 km/heure) et percute violemment le mur de protection des gradins de spectateurs.
Comment a-t-elle vécu la seconde de son accident? «Ça se passe à la fois très vite et très lentement», se souvient Annie-Soleil. «Tu as le temps de réfléchir beaucoup. C’est étrange. Je me disais que la cage de sécurité de l’auto de course était solide, que je portais un casque et un collet Hans autour du cou. Je me suis dit que je ne mourrais pas, mais que je ne marcherais peut-être plus jamais.»
«Je me disais aussi que si c’était grave, ma mère allait en mourir de chagrin.»
Sur le circuit, des gens se levaient dans les gradins pour prendre des photos de l’accident. «C’était surréaliste, dit Annie-Soleil. Mes jambes ne bougeaient plus, j’étais en panique. Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire ma douleur. Il n’y avait que des grognements qui sortaient de ma bouche.»
On la sort de l’auto sur une civière. Dans l’ambulance, elle trouve la force de dire: «Surtout, n’appelez pas ma maman.» Sa mère, depuis des semaines, tentait de la dissuader de participer à cette activité dangereuse.
Un tas de ferraille
Transportée à l’hôpital le plus proche, Annie-Soleil se plaint de violents maux de tête. On ne lui fait passer qu’une radiographie du thorax. L’infirmière l’informe qu’elle n’a rien de plus grave qu’une côte cassée et... on la renvoie chez elle en lui disant de prendre des Tylenol pour la douleur!
«Un accident de course automobile est atypique et ça crée des blessures atypiques», explique aujourd’hui Annie-Soleil. «Mais j’étais maganée de partout et, selon un médecin spécialiste que j’ai consulté plus tard, on aurait dû, au minimum, faire un scan du cerveau et du thorax».
Quelques jours plus tard, Annie-Soleil demande à retourner au circuit pour voir son auto. Quand on lui montre le tas de ferraille, elle a un choc et comprend qu’elle a vraiment eu de la chance.
Une erreur médicale?
Alors que le jour de l’accident on ne lui avait diagnostiqué qu’une côte cassée, il s’avère que ce sont plutôt deux de ses côtes qui sont cassées et que l’une d’elles a perforé son poumon.
Une semaine après son accident, lors d’un reportage avec Ima pour Sucré salé, Annie-Soleil a le vertige et s’écroule au sol.
«Je suis rentrée à l’hôpital incapable de parler, incapable de respirer, comme une crise d’asthme exposant mille. La douleur était intense: comme un immense trou dans mon thorax.» Elle subit une opération d’urgence pour un pneumothorax. Son poumon s’affaisse complètement et elle est incapable de respirer.
Une semaine plus tard, elle fait un deuxième pneumothorax.
Les résidents qui procèdent à l’opération lui administrent trop de morphine. Elle fait une overdose. «Mon cœur battait au ralenti, j’étais comme une morte-vivante», raconte-t-elle.
«Après ma deuxième opération, j’ai passé une semaine à l’hôpital. Une heure après avoir eu mon congé, je me suis sentie mal et j’ai su qu’il fallait que je retourne à l’hôpital. J’ai regardé les feuilles des arbres et le soleil. Je me suis dit que c’était peut-être la dernière fois que je les voyais.»
Elle subit une troisième opération et son état dégénère rapidement. On l’envoie en salle de réanimation. «Plus personne n’était sûr de rien.»
Annie-Soleil fera encore trois autres séjours à l’hôpital pour des complications dues à l’affaissement de son poumon. «J’étais fâchée. J’étais en train de réaliser mon rêve, je m’apprêtais à faire ma deuxième saison de Deux filles le matin et à cause de ma maudite drogue d’adrénaline, j’étais peut-être en train de passer à côté.»
Un miracle
Après avoir passé plus d’un mois et demi à entrer et sortir de l’hôpital, Annie-Soleil contacte un chirurgien thoracique spécialiste de Formule un. Quand elle lui présente des photos de son accident, le spécialiste lui lance: «Toi, tu n’es pas censée être en vie. T’es censée être morte.» Annie-Soleil est sous le choc. «Ça fesse, jamais personne ne m’avait dit que j’avais vraiment été en danger.» Mais le vrai choc arrive quand le spécialiste lui dit: «Depuis le 5 juillet, tu es à risque élevé de mort subite. Tu es à risque d’éclatement de vaisseau, d’hématome au cerveau et de rupture de l’aorte.»
Le jour de son accident, elle utilisait une voiture pour un pilote de plus grande taille. La ceinture a été ajustée pour elle, qui est plus petite, mais il restait un petit espace. C’est ce qui lui a sauvé la vie. Si la ceinture avait été ajustée, elle serait morte. On peut vraiment dire qu’elle a été à un centimètre d’y passer...
LE GOÛT DU RISQUE
Quand une personne frôle la mort, à la suite d’un accident ou d’une maladie, il arrive souvent qu’elle change de comportement et décide de vivre à 100 à l’heure. Mais dans le cas d’Annie-Soleil Proteau, c’est différent: elle vivait déjà ainsi avant son accident!
«J’ai grandi sur des motos. Quand j’avais six mois, mon grand-père m’installait sur une caisse de lait derrière lui, sur sa moto. Quand j’avais trois ans, mon père m’installait devant lui sur son motocross. À cinq ans, je conduisais une petite moto. Pour moi, il n’y avait pas de risque à ces activités-là. Je me sentais invincible.»
Mais trois jours après son accident, lors d’un tournage, un technicien lui a glissé à l’oreille: «On en avait une autre comme toi qui était bien casse-cou. Elle s’appelait Marie-Soleil.»
Ébranlée par cette référence à l’accident qui a coûté la vie à Marie-Soleil Tougas, Annie-Soleil se dit qu’elle a peut-être elle aussi poussé la machine trop loin, accro à l’adrénaline. «Ça m’a virée à l’envers. Cette phrase a changé ma vie. Ce technicien, je vais lui être reconnaissante toute ma vie.»
Maintenant, Annie-Soleil a repris la moto, mais elle ne conduit plus comme avant. Elle est hyper consciente des dangers et ne prend pas de risques inutiles. Ce n’est pas la seule chose qui a changé.
«J’essaye de dire aux gens que j’aime que je les aime. Je n’étais pas comme ça avant mon accident. Et quand j’achète un cadeau pour quelqu’un que j’aime, je n’attends pas Noël pour lui donner! Parce que... on ne sait jamais.»
SON PÈRE AUSSI
Le mois dernier, le père d’Annie-Soleil a eu un accident de moto: il est tombé tête première. Transporté à l’hôpital, on lui a seulement fait une radio et on lui a dit... de prendre des Tylenol. Il a fallu qu’Annie-Soleil s’en mêle pour qu’il passe un scan, lequel a révélé l’étendue des dommages: hématome au cerveau et traumatisme crânien.
«Si je n’avais pas été là, si je n’avais pas été comme un Rottweiler à japper pour obtenir des infos, mon père serait probablement mort ou serait un légume aujourd’hui.»

Normand Brathwaite ne sort jamais de chez lui sans son Epipen et sans un contenant de Benadryl. Il ne mange jamais aux terrasses des restaurants, ne se rend jamais en forêt et n’utilise pas de shampooing parfumé. Il ne prend plus de risque !
Quatorze ans après avoir failli perdre la vie, l’animateur de Piment Fort et Belle et bum a encore peur de mourir d’une piqûre de guêpe.
Ce qu’il a vécu en 2002 l’a marqué à tout jamais. «Je ne souhaiterais pas ça à mon pire ennemi.»
Le 14 septembre 2002, Normand Brathwaite, alors âgé de 44 ans, est au bord de la Rivière-des-Prairies pour un tournage pour les Gémeaux, qu’il anime à l’époque à Radio-Canada. Il pose la main sur une auto et se fait piquer par une guêpe. Comme il a eu une réaction quelques années auparavant après s’être fait piquer à l’oreille, il prévient l’équipe de tournage que son bras au complet risque d’enfler, sans plus.
Mais après une vingtaine de minutes, il commence à se sentir mal, un peu étourdi.
Réaction extrême
Brathwaite demande à aller se reposer dans la salle de maquillage. Il n’a alors aucune idée qu’il n’a pas seulement des «réactions» aux piqûres de guêpe, mais qu’il y est violemment allergique. Une fois seul dans la salle de maquillage, les symptômes s’intensifient. Son pouls s’accélère. «Les muqueuses ont commencé à couler, un liquide visqueux s’écoulait de mes yeux, mon nez, mes oreilles. À chaque respiration, moins d’air entrait. Comme si une personne obèse était assise sur mon thorax et m’empêchait de respirer. Comme si je me noyais, ou que j’explosais de l’intérieur. Quand je lis des descriptions de la torture du waterboarding, j’ai l’impression de lire une description de ce que j’ai ressenti ce jour-là.»
Une maquilleuse rentre dans la salle, mais ne se rend pas compte de l’ampleur du danger. Elle s’exclame «Tabarnak!» et sort de la salle. Il apprendra plus tard qu’il ressemblait à l’homme éléphant! Puis Louise Richer, la metteuse en scène des Gémeaux, rentre à son tour dans la salle de maquillage. «Je vais mourir et je ne veux pas mourir seul», lui dit péniblement Brathwaite, qui a de la difficulté à parler. Mais Richer quitte rapidement la salle pour appeler le 911. Normand Brathwaite, ne sachant pas qu’elle appelle les secours, pense qu’elle l’a abandonné. Il est convaincu que sa dernière heure est arrivée. «Je ne voyais presque plus rien, je n’entendais presque plus rien.»
À l’arrivée de l’ambulance, Normand Brathwaite se souvient d’avoir vu une infirmière, «une magnifique blonde aux cheveux bouclés» et de lui avoir dit: «Je vais mourir». Mais la belle blonde le rassure. «Écoutez ma voix, je suis comme un ange, je vais veiller sur vous». Puis Brathwaite, terrassé, s’évanouit. Il passera 12 heures dans le coma.
Un choc anaphylactique
À son réveil, complètement drogué par l’effet des médicaments, il n’en revient pas d’être en vie.
«Je n’ai pas nécessairement peur de la mort. Mais ça ne me tentait pas de mourir comme ça: avec la peur, la panique, la douleur.»
En discutant avec ses médecins, Brathwaite apprend que ce n’est pas le venin de la guêpe qui tue, mais plutôt la réaction du corps du patient, ce qu’on appelle le choc anaphylactique.
L’histoire de l’accident grave de Normand Brathwaite fait la une du Journal de Montréal. «J’habitais à l’époque à Westmount et mes riches voisins anglophones, qui ne comprenaient pas le français, pensaient que j’étais un dealer de drogue qui s’était fait pogner!»
À sa sortie de l’hôpital, le diagnostic est clair: s’il veut survivre à une autre piqûre de guêpe, il doit se résoudre à un traitement long, coûteux et pénible de «désensibilisation». Six fois par semaine, chaque semaine, pendant six ans, il se rend à l’hôpital pour se faire injecter des doses de poison.
Mauvais traitement
Attablé à un restaurant du centre-ville, Normand Brathwaite se rappelle encore la douleur de ces 1800 traitements.
«Le traitement faisait vraiment mal. Ils m’injectaient le poison même qui avait failli me tuer. J’avais trois injections, l’une après l’autre, espacées de 45 minutes. En sortant de l’hôpital, j’étais affaibli et le lendemain des injections, tout mon corps brûlait. Je me rappelle que je devais conserver les doses de venin chez moi au frigo. Je me disais que si ma femme se chicanait avec moi, et voulait se débarrasser de moi, elle n’aurait eu qu’à m’injecter une dose de venin!»
Brathwaite blague, bien sûr. Il arrive aujourd’hui à parler en riant de cet épisode pénible de sa vie. «Le ministère du Revenu devait être bien content que je ne sois pas mort ce jour-là...»
Mais il y a des souvenirs qui ne le font pas rire du tout.
«Jean-René Dufort, avec qui je faisais de la radio, avait appelé à l’hôpital où j’avais été soigné pour demander si ce n’était pas juste un coup de publicité de ma part, du showbusiness. Heureusement que le médecin lui avait répondu que c’était très sérieux, et qu’on ne banalisait pas un incident aussi grave.»
Quatorze ans plus tard, Brathwaite est encore amer que son ancien coéquipier ait pu mettre en doute un accident qui a failli lui coûter la vie. «Ça m’a fait de la peine.»
Normand Brathwaite en veut aussi au personnel de l’hôpital où il a été soigné pour sa première piqûre de guêpe.
«Je suis un peu en tab... S’ils m’avaient dit à l’époque que je pouvais faire des chocs anaphylactiques, je me serais toujours promené avec mon Epipen et je n’aurais pas failli mourir en 2002.»
UN DANGER PERMANENT
Depuis quatorze ans, Normand a appris à vivre, tous les jours, avec une épée de Damoclès toujours au-dessus de lui.
Quand il fait du sport, il porte une bouteille de Benadryl attachée à sa taille. Il a appris à déloger le dard d’une guêpe à l’aide d’une carte de crédit.
Les six années de traitement ont réussi à le désensibiliser à la plupart des piqûres de guêpes, mais il reste encore vulnérable.
Il a appris, à l’aide de photos géantes d’insectes, à identifier les types de guêpes les plus dangereuses.
Comme une victime de crime qui mémorise le portrait-robot de son attaquant. Pour lui, c’est encore une question de vie ou de mort.
En septembre 2002, Brathwaite a frôlé la mort. Mais il a eu la chance d’y échapper. «Tu te rends compte que tout peut basculer en quelques secondes: une mort violente, juste à cause d’une petite bête minuscule... Je valorise beaucoup plus la vie maintenant, je sais à quel point c’est fragile. N’importe quoi peut arriver.»
Normand est ému. On entendrait une mouche voler...

1996. Un samedi matin, Normand Lester, journaliste à Radio-Canada, est chez lui avec sa conjointe, Pauline. L’homme alors âgé de 51 ans sent une pression sur sa poitrine, un étirement du bras gauche, et il commence à transpirer. «C’est une crise cardiaque », lance-t-il à sa conjointe. Elle le soupçonne d’être un peu hypocondriaque mais quand elle voit son visage défait, elle se rend à l’évidence et appelle le 911.
Dans l’ambulance, Normand Lester est convaincu que sa dernière heure est arrivée. «Je me suis dit que si je devais mourir là, j’avais été chanceux. J’ai eu des très bons parents. Ma femme va être financièrement à l’aise et surtout, j’ai fait une vie intéressante et je me suis amusé. J’ai fait des choses captivantes. La plupart des gens qui sont passés sur cette planète ont eu une vie moins intéressante et beaucoup plus courte que la mienne. Si c’est la fin, si je m’en vais, ça aura été une belle vie.»
Le vétéran journaliste vient en effet de faire un infarctus du myocarde. Il sera soigné à l’Hôpital juif.
Après un mois de convalescence, il revient au travail et n’aura plus de problème de santé pendant... 17 ans.
Deuxième épisode
Un vendredi soir de mai 2013, Normand Lester, maintenant journaliste indépendant, âgé de 68 ans, est au resto italien, en train de prendre un bon repas avec sa conjointe Pauline.
Deux semaines plus tard, il se réveille à l’hôpital, entubé et assez confus, sous l’effet des médicaments. Il n’a aucune idée de ce qu’il fait là, pas le moindre souvenir de ce qui lui est arrivé.
Il ne se souvient pas que le lendemain du repas au resto, il a eu un malaise cardiaque au volant, il ne sait pas qu’il a eu un accident d’auto, que son cœur a cessé de battre pendant 23 minutes, que son histoire a fait la une du Journal de Montréal, qu’il a été plongé dans un coma artificiel et que le Québec au complet s’est inquiété pour lui, parce qu’il se trouvait entre la vie et la mort.
Il faut que son infirmière, ses médecins et sa conjointe lui expliquent, détail après détail, ce qui lui est arrivé ce samedi matin du 25 mai.
Il était au volant de son véhicule et circulait sur Côte Ste-Catherine, à Outremont, à quelques mètres de sa résidence. Lester a souffert d’une «fibrillation ventriculaire», une accélération incohérente des ventricules cardiaques. Les conséquences habituelles sont une perte de conscience et une mort subite, si le patient n’est pas pris en charge rapidement.
En perdant connaissance, il perd le contrôle de son véhicule qui emboutit une voiture arrêtée au feu rouge devant lui. Une demi-douzaine d’appels sont logés au 911 par des témoins de l’accident.
Heureusement, l’accident a lieu pas loin de la caserne de pompiers d’Outremont. Une équipe de pompiers, dont deux premiers répondants, Sébastien Lapierre et Yann Berthelette, arrivent sur les lieux et prennent en charge Normand Lester.

«J’ai appris par après qu’un des pompiers m’a fait un massage cardiaque pendant 23 minutes, sans s’arrêter, en chemin vers l’hôpital!» me raconte Normand Lester, dans un café d’Outremont, à quelques rues de l’endroit où il a frôlé la mort.
«J’ai été mort pendant 23 minutes, ce qui est un record, paraît-il. J’ai été en arrêt cardiaque tout ce temps-là. Mes chances étaient d’environ 5 % de m’en tirer. Le deuxième pompier a utilisé cinq fois les défibrillateurs pour tenter de me ramener. Il n’y avait rien à faire.»
Ce n’est qu’à la sixième tentative, une fois Lester rendu à l’hôpital Juif, que le cœur du journaliste recommence à battre normalement.
Normand Lester sera transféré à l’Hôpital Général, spécialisé en trauma. On le place en coma artificiel et on abaisse sa température corporelle de 38 à 32 degrés. Il restera dans le coma pendant 10 jours.
«Pauline et moi avions spécifié dans nos testaments respectifs que nous ne voulions pas d’acharnement thérapeutique et que si on risquait d’avoir des incapacités majeures, on ne voulait pas être réanimé et vivre comme un légume. Mais ils ont fait un scan, pendant que j’étais dans le coma, et il n’y avait pas de signe d’impact irrémédiable».
Lentement, il s’est remis de ce double coup du sort qui a failli lui faire perdre la vie. Lentement, il a repris le dessus.
Quand il sort de l’hôpital, Normand Lester prend connaissance des messages de sympathie et des nombreux appels dont Pauline a été submergée. «C’est sûr que ça m’a touché. Tu es toujours content de voir que les gens se préoccupent de toi», dit-il.
«Encore aujourd’hui, je croise des gens dans la rue qui me disent «Comment allez-vous, on a été bien angoissés.» La seule chose que je n’ai pas vue, et qui doit exister, c’est ma viande froide (ces biographies qu’on prépare quand une personne meurt). Il y en avait sûrement plusieurs de prêtes ... mais la viande n’était pas froide! Juste tiède.»
DEUX ANGES GARDIENS
Normand Lester est conscient qu’il doit sa vie à une intervention rapide des deux pompiers.
«Ce qui a sauvé mes capacités cognitives, c’est le deuxième pompier qui me faisait des massages cardiaques et envoyait 20 % d’oxygène et de sang au cerveau, ce qui est suffisant pour maintenir les fonctions névralgiques. Imagine si j’avais survécu ... mais complètement légume!»
Après être rentré chez lui et avoir récupéré, Normand Lester a demandé à se rendre à la caserne 75 à Outremont. Il voulait remercier personnellement les deux pompiers qui lui avaient sauvé la vie... mais dont il n’avait jamais vu le visage. «On me les a présentés, deux gars dans la trentaine. Je les ai serrés dans mes bras. Moi, il me semble qu’après quatre fois à essayer de sauver un homme avec un défibrillateur, j’aurais dit, écoute, c’est fini... Il me semble qu’après la 19e minute à faire un massage cardiaque à un inconnu, j’aurais arrêté. Mais pas eux. Ils m’ont sauvé la vie. Et à la caserne, ils m’ont préparé une lasagne aux asperges qui était excellente!»
Normand Lester se considère chanceux d’avoir échappé non pas une mais deux fois à la mort.
«Je suis plutôt agnostique. Je ne pense pas qu’il y a une autre vie après la mort. J’ai été baptisé, je me considère de culture judéo-chrétienne. Mais ce n’est pas Dieu qui m’a sauvé, ce sont les pompiers de la Ville de Montréal.»
LA VIE NE TIENT QU’À UN FIL
Normand Lester, qu’on entend sur le réseau Cogeco commenter l’actualité internationale, porte maintenant un stimulateur cardiaque.
Depuis ce soir de mai il y a trois ans, il n’a plus eu de problème de santé. Après son accident de 2013, il a changé son attitude face à la vie.
«Je ne sais pas si c’est directement lié à l’accident, ou simplement parce que j’avance en âge, mais j’ai maintenant une image ou un sentiment plus direct du fait que je vais avoir une fin. Et que ça peut arriver instantanément. J’ai un sentiment plus précis que la vie ne tient qu’à un fil. Et qu’on ne peut pas y faire grand-chose.»
«Je n’ai jamais eu peur de la mort. J’ai peur des souffrances. La mort subite, c’est la plus belle mort. Voilà la plus belle leçon que je pourrais retenir de ce qui m’est arrivé.»