Un autre joueur québécois monopolise l’attention. Son nom est Marcel Dionne.
Lafleur a remporté le championnat des marqueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec avec une fiche record 130 buts et 209 points et mené les Remparts de Québec à la coupe Memorial.
Dionne n’est pas en reste. Il a terminé en tête des compteurs de l’Association de hockey de l’Ontario avec les Black Hawks de Saint Catharines, qui ont baissé pavillon devant les Remparts dans la série de championnat de l’Est du Canada menant à la finale de la coupe Memorial.
Le championnat remporté par les Remparts donne de la crédibilité à la LHJMQ, considérée alors largement inférieure au circuit ontarien.
Cette victoire a aussi une connotation politique. Le peuple québécois a relevé la tête. Il a trouvé son identité, il est devenu fier.
On est à l’époque du slogan « Québec sait faire! »
Tout nous est possible maintenant.
Dans l’esprit des amateurs de hockey montréalais et québécois, l’avenir du Canadien passe par Lafleur.
Or, comme on le verra dans ce reportage, le Canadien court deux lièvres à la fois. Le directeur général Sam Pollock veut Lafleur et Dionne.
Question de vous faire revivre cette fameuse page d’histoire, Guy Lafleur et Marcel Dionne, ainsi que Scotty Bowman qui avait été nommé entraîneur du Canadien le jour précédant le repêchage, nous ramènent dans le temps.
Larry Robinson, que le Tricolore repêchera en deuxième ronde, nous livre aussi ses souvenirs.
Les quatre hommes sont généreux dans leurs propos et commentaires. Ils y vont de révélations inédites.
Leur récit est fascinant.
L’histoire prend forme le 10 juin 1970, soit un an jour pour jour avant que Lafleur ne devienne admissible au repêchage.
Pollock convainc son homologue des Seals, Frank Selke fils, qui a été à l’emploi du Tricolore alors que son père en était la DG dans les années 1950 et 1960, de lui céder son choix de première ronde en 1971.
Pollock cède le jeune attaquant Ernie Hicke, auteur de 45 buts en deux saisons avec les Apollos de Houston, et son premier choix de 1971 (les Seals choisiront l’attaquant Chris Oddleifson), en retour du premier choix des Seals et du défenseur François Lacombe.
Lafleur raconte ce qui lui est passé par la tête ce jour-là :
Encore fallait-il que les Golden Seals terminent derniers au classement général. Pollock s’en est assuré au milieu de la saison suivante, alors que l’écart entre les Golden Seals et les Kings était de cinq points au classement du classement général.
Le 25 janvier 1971, Pollock échange le vétéran joueur de centre Ralph Backstrom aux Kings de Los Angeles en retour de Gord Labossière et Raymond Fortin.
Backstrom fait le travail que Pollock espérait de lui. Il récolte 27 points en 33 rencontres avec les Kings pour les aider à grimper au neuvième rang du classement général.
Les Sabres de Buffalo, les Penguins de Pittsburgh, les Red Wings de Detroit et les Canucks de Vancouver suivent au classement, mais ils ne posent pas un danger.
Les Golden Seals terminent bons derniers avec 45 points, soit 10 points de moins que les Red Wings. Le premier choix revient au Canadien.
C’est ici que Bowman entre en scène.
Au début de la semaine du repêchage, il succède à Al MacNeil au poste d’entraîneur du Canadien. MacNeil n’est pas l’homme le plus populaire en ville, même s’il a contribué à la conquête de la Coupe Stanley, le mois précédent.
Lors du cinquième match de la finale à Chicago, il fait réchauffer le banc à Henri Richard. Piqué dans son orgueil, Richard déclare après la rencontre que MacNeil est le pire coach pour le lequel il a joué.
Le Canadien reçoit des appels de menaces de mort à l’endroit de son entraîneur. Des policiers en civil sont de faction près du banc du Canadien pour le sixième match de la finale au Forum.
Mais tout est bien qui finit bien.
Pollock procède néanmoins à un remaniement de son cabinet en nommant MacNeil directeur général et entraîneur des Voyageurs de la Nouvelle-Écosse, nouveau club école du Canadien dans la Ligue américaine.
Le jour de son embauche, Bowman est convié à une réunion avec les têtes de hockey de l’organisation en vue du repêchage. Pollock les informe qu’il tente d’acquérir le deuxième choix du repêchage qui est la propriété des Red Wings. Il m’avait déjà raconté l’épisode il y a quelques années, mais pas avec autant de détails.
Les probabilités étaient bonnes, mais n’empêche que c’est plus facile à dire après. Le Canadien misait déjà sur une attaque bien équilibrée avec Jacques Lemaire, Peter Mahovlich et Henri Richard au centre et Yvan Cournoyer, Frank Mahovlich, Marc Tardif, Réjean Houle et Claude Larose à l’aile.
Pourquoi la transaction ne s’est pas concrétisée?
Bowman répond:
Il y a un dernier chapitre à l’histoire. Pollock a mis beaucoup de pression sur Ruel quant à savoir qui de Lafleur ou Dionne il devait repêcher.
Ruel, qui avait démissionné du poste d’entraîneur en décembre 1970 pour retourner recruteur, était prêt à mettre son poste en jeu pour Lafleur.
Bowman conclut :
Première Ronde | ||||||||
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Rg | Repêché par | Joueur | POS. | Équipe Junior | PJ | B | A | PTS |
1 | Montréal | Guy Lafleur | AD | Québec (LHJMQ) | 1126 | 560 | 793 | 1353 |
2 | Detroit | Marcel Dionne | C | Saint-Catharines (OHA) | 1348 | 731 | 1040 | 1771 |
3 | Vancouver | Jocelyn Guèvremont | D | Montréal (OHA) | 571 | 84 | 223 | 307 |
4 | Saint Louis | Gene Carr | C | Flin Flon (WHL) | 465 | 136 | 215 | 365 |
5 | Buffalo | Richard Martin | AG | Montréal (OHA) | 685 | 384 | 317 | 701 |
6 | Boston | Ron Jones | D | Edmonton (WHL) | 54 | 1 | 4 | 5 |
7 | Montréal | Chuck Arnason | AD | Flin Flon (WHL) | 401 | 109 | 90 | 199 |
8 | Philadelphie | Larry Wright | C | Regina (WHL) | 106 | 4 | 8 | 12 |
9 | Philadelphie | Pierre Plante | AD | Drummondville (LHJMQ) | 599 | 125 | 172 | 297 |
10 | NY Rangers | Steve Vickers | AG | Toronto (OHA) | 698 | 246 | 340 | 586 |
11 | Montréal | Murray Wilson | AG | Ottawa (OHA) | 386 | 94 | 95 | 189 |
12 | Chicago | Dan Spring | A | Ottawa (OHA) | - | - | - | - |
13 | NY Rangers | Steve Durbano | D | Oshawa (OHA) | 220 | 13 | 60 | 73 |
14 | Boston | Terry O'Reilly | AD | Toronto (OHA) | 891 | 204 | 402 | 606 |
Deuxième Ronde | ||||||||
Rg | Repêché par | Joueur | POS. | Équipe Junior | PJ | B | A | PTS |
15 | Californie | Ken Baird | D | Flin Flon (WHL) | 10 | 0 | 2 | 2 |
16 | Detroit | Henri Boucha | C | Équipe Nationale É.-U. | 247 | 53 | 49 | 102 |
17 | Vancouver | Bobby Lalonde | C | Montréal (OHA) | 641 | 124 | 210 | 334 |
18 | Pittsburgh | Brian McKenzie | C | Saint-Catharines (OHA) | 6 | 1 | 1 | 2 |
19 | Buffalo | Craig Ramsay | AG | PeterBorough (OHA) | 1070 | 252 | 420 | 672 |
20 | Montréal | Larry Robinson | D | Kitchener (OHA) | 1384 | 208 | 750 | 958 |
21 | Minnesota | Rod Norrish | AG | Regina (WHL) | 21 | 3 | 3 | 6 |
22 | Toronto | Rick Kehoe | AD | Hamilton (OHA) | 906 | 371 | 396 | 767 |
23 | Toronto | Dave Fortier | D | Saint-Catharines (OHA) | 205 | 8 | 21 | 29 |
24 | Montréal | Michel Deguise | G | Sorel (LHJMQ) | - | - | - | - |
25 | Montréal | Terry French | D | Ottawa (OHA) | - | - | - | - |
26 | Chicago | Dave Kryskow | AG | Edmonton (WHL) | 231 | 33 | 56 | 89 |
27 | NY Rangers | Tom Williams | AD | Hamilton (OHA) | 397 | 115 | 138 | 253 |
28 | Boston | Curt Ridley | G | Portage (MJHL) | 104 (V) 27 (D) 47 (N) 16 (MBA) 3,88 |
Vous avez peut-être remarqué sur des sites web ce montage de la carte de hockey recrue de Guy Lafleur le montrant dans l’uniforme jaune doré et vert des Golden Seals de la Californie.
Lafleur s’imaginait davantage dans le chandail bleu, blanc et rouge du Canadien lorsque Sam Pollock a obtenu le premier choix des Seals l’année précédant le repêchage.
Retournons en 1971.
Il n’est pas facile pour une recrue de faire sa place dans la formation du Canadien. La philosophie de l’organisation veut qu’un jeune fasse ses classes dans les ligues mineures.
N’empêche que c’est à Montréal qu’il veut jouer malgré la tonne de pression qui l’attend au Forum.
Lafleur avait plusieurs raisons de vouloir évoluer à Montréal.
Mais l’apprentissage fut difficile.
Lafleur l’a entendu, celle-là :
Tiens, tiens, ça n’a pas beaucoup changé.
Lafleur connaît ensuite des saisons de 55 et 56 points, rien pour remonter dans l’estime populaire. Mais le Canadien tient à lui.
En 1973, au début des séries, Sam Pollock lui offre un contrat d’une valeur d’un million de dollars répartie sur une période de 10 ans. L’échelle commence à 65 000 $.
Au même moment, son futur beau-père, Roger Barré, qui est actionnaire des Nordiques de Québec, de l’Association mondiale, arrive à Montréal avec une proposition garantie d’un million de dollars pour une durée de cinq ans.
Lafleur se revoit dans le bureau de Sam Pollock. Il préfère attendre la fin de la saison pour négocier, mais Pollock le presse d’accepter. Son agent Gerry Patterson le pousse aussi à accepter.
Lafleur se souvient des paroles de Pollock :
Lafleur consulte des avocats, mais ce qui est fait est fait. Le contrat ne peut être annulé.
Le temps a arrangé les choses.
Saison | Équipe | Ligue | PJ | B | A | Pts | +/- | Pun |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1966-1967 | As de Québec | LHJAQ | 8 | 1 | 1 | 2 | ND | 0 |
1967-1968 | As de Québec | LHJAQ | 43 | 30 | 19 | 49 | ND | 0 |
1968-1969 | As de Québec | LHJAQ | 49 | 50 | 60 | 110 | ND | 83 |
1969-1970 | Remparts de Québec | LHJMQ | 56 | 103 | 67 | 110 | ND | 105 |
1970-1971 | Remparts de Québec | LHJMQ | 62 | 130 | 79 | 170 | ND | 135 |
1971-1972 | Canadien de Montréal | LNH | 73 | 29 | 35 | 64 | 27 | 48 |
1972-1973 | Canadien de Montréal | LNH | 69 | 28 | 27 | 55 | 15 | 51 |
1973-1974 | Canadien de Montréal | LNH | 73 | 21 | 35 | 56 | 9 | 29 |
1974-1975 | Canadien de Montréal | LNH | 70 | 53 | 66 | 119 | 53 | 37 |
1975-1976 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 56 | 69 | 125 | 68 | 36 |
1976-1977 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 56 | 80 | 136 | 89 | 20 |
1977-1978 | Canadien de Montréal | LNH | 78 | 60 | 72 | 132 | 73 | 26 |
1978-1979 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 52 | 77 | 129 | 56 | 28 |
1979-1980 | Canadien de Montréal | LNH | 74 | 50 | 75 | 125 | 40 | 12 |
1980-1981 | Canadien de Montréal | LNH | 51 | 27 | 43 | 70 | 24 | 29 |
1981-1982 | Canadien de Montréal | LNH | 66 | 27 | 57 | 84 | 33 | 24 |
1982-1983 | Canadien de Montréal | LNH | 68 | 27 | 49 | 76 | 6 | 12 |
1983-1984 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 30 | 40 | 70 | -14 | 19 |
1984-1985 | Canadien de Montréal | LNH | 19 | 2 | 3 | 5 | -3 | 10 |
1988-1989 | Rangers de New York | LNH | 67 | 18 | 27 | 45 | 1 | 12 |
1989-1990 | Nordiques de Québec | LNH | 39 | 12 | 22 | 34 | -15 | 4 |
1990-1991 | Nordiques de Québec | LNH | 59 | 12 | 16 | 28 | -10 | 2 |
Totaux LNH | 1126 | 560 | 793 | 1353 | 446 | 399 |
Dionne aurait-il aimé jouer à Montréal?
Dionne sait de quoi il parle. Les Red Wings ont perdu souvent pendant ses quatre saisons à Detroit. Lui aussi était soumis à une grande pression.
Pendant que les amateurs québécois voyaient Lafleur comme le successeur de Jean Béliveau, les partisans des Red Wings croyaient que Dionne était capable de remplacer Gordie Howe, qui s’est retiré de la compétition en même temps que Béliveau.
Qu’à cela ne tienne, Dionne a été le premier marqueur des Red Wings devant Mickey Redmond (71 points), Berenson (69 points) et Delvecchio (65 points).
Ses 78 points constituaient un record pour une recrue à l’époque. Mais c’est Ken Dryden, qui avait déjà remporté la coupe Stanley et le trophée Conn Smythe la saison précédente, qui reçut le trophée Calder en 1972.
Or, Dionne était en bonne position pour négocier, lui n’avait signé qu’un contrat d’un an à son arrivée à Detroit.
Lors de cette même saison, Lafleur touchait 65 000 $, lui qui en était à la première saison du contrat de 10 ans qu’il avait signé sous pression dans le bureau de Sam Pollock.
La carrière de Lafleur a pris son envol lors de cette campagne. Ses 53 buts et 119 points lui ont conféré le quatrième rang chez les marqueurs de la LNH, Dionne le devançant avec 121 points.
Bobby Orr a terminé en tête avec 135 points suivi de son coéquipier Phil Esposito avec 127.
Après quatre ans à Detroit, les négociations contractuelles entre Dionne et les Red Wings sont dans un cul-de-sac. Il est échangé aux Kings de Los Angeles avec le défenseur Bart Crashley en retour du robuste Dan Maloney et d’un choix de deuxième ronde au repêchage de 1976.
Dionne a connu sept saisons de plus de 100 points, incluant six de 50 buts, avec les Kings.
Il est fier de dire qu’il est le premier marqueur québécois de l’histoire de la LNH, lui qui a totalisé 1 771 points.
Il est suivi de Mario Lemieux qui a récolté 1 723 points en seulement 915 matchs; Raymond Bourque, défenseur le plus productif de l’histoire avec 1 579 points; Luc Robitaille, ailier gauche totalisant le plus grand nombre de buts dans la LNH avec 668 (1 394 points); et Lafleur, premier marqueur de l’histoire du Canadien avec 1 246 points (1 353 au total).
Saison | Équipe | Ligue | PJ | B | A | Pts | +/- | Pun |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1967-1968 | Rangers de Drummondville | LHJAQ | 48 | 34 | 35 | 69 | ND | 45 |
1968-1969 | Black Hawks de St.Catharines | AHO | 48 | 37 | 63 | 100 | ND | 38 |
1969-1970 | Black Hawks de St.Catharines | AHO | 54 | 55 | 77 | 132 | ND | 46 |
1970-1971 | Black Hawks de St.Catharines | AHO | 46 | 62 | 81 | 143 | ND | 20 |
1971-1972 | Red Wings de Detroit | LNH | 78 | 28 | 49 | 77 | 0 | 14 |
1972-1973 | Red Wings de Detroit | LNH | 77 | 40 | 50 | 90 | -4 | 21 |
1973-1974 | Red Wings de Detroit | LNH | 74 | 24 | 54 | 78 | -31 | 10 |
1974-1975 | Red Wings de Detroit | LNH | 80 | 47 | 74 | 121 | -15 | 14 |
1975-1976 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 40 | 54 | 94 | 2 | 38 |
1976-1977 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 53 | 69 | 122 | 11 | 12 |
1977-1978 | Kings de Los Angeles | LNH | 70 | 36 | 43 | 79 | -8 | 37 |
1978-1979 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 59 | 71 | 130 | 18 | 30 |
1979-1980 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 53 | 84 | 137 | 35 | 32 |
1980-1981 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 58 | 77 | 135 | 54 | 70 |
1981-1982 | Kings de Los Angeles | LNH | 78 | 50 | 67 | 117 | -10 | 50 |
1982-1983 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 56 | 51 | 107 | 10 | 22 |
1983-1984 | Kings de Los Angeles | LNH | 66 | 39 | 53 | 92 | 8 | 28 |
1984-1985 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 46 | 80 | 126 | 11 | 46 |
1985-1986 | Kings de Los Angeles | LNH | 80 | 36 | 58 | 94 | -22 | 42 |
1986-1987 | Kings de Los Angeles | LNH | 67 | 24 | 50 | 74 | -8 | 54 |
1986-1987 | Rangers de New York | LNH | 14 | 4 | 6 | 10 | -8 | 6 |
1987-1988 | Rangers de New York | LNH | 67 | 31 | 34 | 65 | -14 | 54 |
1988-1989 | Rangers de New York | LNH | 37 | 7 | 16 | 23 | -6 | 20 |
1988-1989 | Rangers de Denver | LIH | 9 | 0 | 13 | 13 | 0 | 6 |
Totaux LNH | 1348 | 731 | 1040 | 1771 | 27 | 600 |
Dionne est un des rares joueurs de son époque élus au Panthéon du hockey à ne pas avoir joué sous les ordres de Scotty Bowman. Le plus grand entraîneur de l’histoire du hockey en a dirigé une quarantaine qu’il énumère encore par coeur, à 87 ans.
Cela place Dionne au cinquième rang dans l’histoire de la LNH derrière Wayne Gretzky (894), Gordie Howe (801), Jaromir Jagr (766) et Brett Hull (741). Alex Ovechkin le suit avec 730 buts.
Guy Lafleur et Marcel Dionne ont gravi les échelons en même temps dans le hockey mineur. Lafleur à Thurso, dans l’Outaouais et Dionne à Drummondville, dans le centre du Québec.
Les deux ont participé au Tournoi international pee-wee de Québec, sans s’affronter toutefois. Mais Dionne se souvient très bien du garçon de Thurso qui épatait les foules au Colisée.
Lafleur n’a pas toujours défendu les couleurs de Thurso au tournoi pee-wee. Au début, il jouait avec la formation ontarienne de Rockland parce que l’équipe de sa ville natale manquaient de ressources pour aller à Québec.
Or, du côté de Montréal, certaines organisations déjà bien nanties en joueurs de talent pigeaient des joueurs ailleurs pour s’élever au-dessus de la mêlée.
En 1967-1968, Lafleur et Dionne font le saut dans la Ligue junior A du Québec, qui deviendra plus tard la Ligue de hockey junior majeur du Québec.
Lafleur évolue les As de Québec et Dionne avec les Rangers de Drummondville. Après une saison avec les Rangers, qui sont dirigés par Maurice Fillion, Dionne met le cap sur Saint Catharines.
C’est ici que les deux racontent une histoire inconnue du public jusqu’à ce jour.
Dionne pense qu’il y avait une raison de plus. Il lance en riant :
Le montant de 20 000 $ est même avancé à l’époque. Lafleur réagit en disant qu’on lui montre l’argent.
N’empêche qu’il est traité comme un roi à Québec. Comme Béliveau l’avait été une vingtaine d’années avant lui. À sa dernière année avec les Remparts, il reçoit en cadeau une rutilante Buick Riviera, immatriculée 4G-4444.
Vingt ans plus tôt, Béliveau Nash hérita d’une Nash à sa dernière saison avec les Citadelles.
Pendant ce temps, Dionne et sa famille, qui l’a suivi en Ontario, sont la cible de critiques au Québec. Les amateurs ne leur pardonnent pas d’avoir priorisé la Ligue de l’Ontario au détriment de la Ligue junior A du Québec.
L’affaire prend une tournure politique. Le Québec est en pleine fièvre nationaliste.
L’histoire atteint son point culminant lorsque les Remparts croisent le fer avec les Black Hawks en finale du championnat junior de l’Est du Canada, en mai 1971. La Crise d’octobre 1970 fait encore partie de l’actualité.
La série démarre à Saint Catharines, où le Garden City Arena ne contient que 3 500 places. Les Remparts remportent le premier match, puis les Hawks égalent la série lors de la deuxième rencontre. Les deux matchs donnent lieu à du jeu rude.
Le vase déborde lors des deux matchs suivants à Québec. Les bagarres sont nombreuses sur la patinoire. Les amateurs invectivent les joueurs des Black Hawks, leur lancent des objets de toutes sortes et vont jusqu’à prendre leur autobus d’assaut après une rencontre.
Le journaliste John Hewitt raconte dans un livre intitulé Garden City Hockey Heroes que l’entraîneur Frank Milne a dit à ses joueurs de se coucher dans l’autobus parce que des voitures suivaient leur véhicule.
Les Remparts ayant pris les devants 3 à 1 dans la série, la cinquième rencontre est présentée au Maple Leaf Gardens, à Toronto, afin de permettre à un plus grand nombre d’amateurs de Saint Catharines d’y assister.
Les Hawks triomphent 6 à 1, mais ils refusent de retourner à Québec. Ils demandent que le sixième match soit disputé dans un lieu neutre. Les Remparts s’objectent.
L’Association canadienne de hockey amateur somme les Black Hawks de se rendre à Québec. Pour Dionne et son coéquipier Pierre Guité, il est inconcevable que leur équipe ne respectent pas les règles :
La série prend fin après cinq matchs. Le propriétaire des Hawks, Fred Muller et son directeur général Ken Campbell écopent d’une suspension un an.
Plus tard, des journaux ontariens rapportent que le FLQ aurait menacé les joueurs des Black Hawks.
Vrai ou faux?
Personne n’a la moindre preuve.
Les Remparts continuent leur marche triomphale en finale de la coupe Memorial. Dans le cadre d’une série deux de trois, ils disposent des Oil Kings d’Edmonton par des marques de 5 à 1 et de 5 à 2 au Colisée.
Lafleur considère que cette victoire a rehaussé l’image de la LHJMQ.
Les Seals d’Oakland ne sont pas la seule équipe avec laquelle Sam Pollock a transigé pour améliorer sa position au repêchage.
Le 23 janvier 1970, Pollock cède le vétéran Dick Duff, qui a aidé le Canadien à remporter quatre coupes Stanley en cinq ans, aux Kings de Los Angeles en retour de Dennis Hextall et d’un choix de deuxième ronde au repêchage de 1971. Le Tricolore s’est prévalu de ce choix pour repêcher Larry Robinson au 20e rang.
Robinson apporte une précision :
On peut se demander si Robinson était dans la mire du Tricolore lorsque Pollock a obtenu le deuxième choix des Kings.
Ignoré au repêchage de ce qui s’appelait alors l’Association de hockey de l’Ontario (OHA), Robinson fut recruté par les Braves de Brockville, de la Ligue centrale de l’Ontario. Non pas comme défenseur, mais à titre de joueur de centre.
Vous avez bien lu.
Comment expliquer qu’aucune équipe de la Ligue de l’Ontario n’a repêché Robinson?
À l’automne 1970, Robinson se présente au camp d’entraînement des Rangers de Kitchener, à l’invitation de Barry Fraser, qui deviendra plus tard un grand recruteur avec les Oilers d’Edmonton.
Robinson obtient enfin un poste avec une équipe de l’OHA. Il connaît une bonne saison, inscrivant 12 buts et totalisant 51 points en 61 matchs.
Une surprise l’attend le jour du repêchage de la Ligue nationale.
Robinson fait ses premiers pas dans les rangs professionnels avec les Voyageurs de la Nouvelle-Écosse avec qui il joue une saison et demie.
Bien nantis en talent, les Voyageurs remportent la coupe Calder.
Robinson s’offre même le but vainqueur lors du deuxième match de la demi-finale qui opposait le Canadien aux Flyers, but qui créée l’égalité dans la série.
Quelques semaines plus tard, après avoir triomphé des Blackhawks de Chicago en finale, Robinson parade avec la coupe Stanley dans les rues de de Montréal. Il en ajoutera cinq à sa collection.
Son expérience d’attaquant sert aussi la cause du Canadien dans certaines situations.
En 1976-1977, fameuse saison où le Canadien ne subit que huit défaites en 80 matchs (fiche de 60-8-12), Robinson inscrit 19 buts et totalisé 85 points.
Et il maintient un différentiel incroyable de plus 120!
Ses performances lui permettent de remporter le premier de deux trophées Norris accordé au défenseur par excellence de la LNH.
Son palmarès comprend aussi un trophée Conn Smythe, six nominations au sein des équipes d’étoiles et trois participations au tournoi de la coupe Canada.
Trois ans après la fin de sa carrière, il est intronisé au Panthéon du hockey.
Pas mal pour un efflanqué qui ne devait même pas jouer dans la Ligue de l’Ontario.
Mais comme tout membre du panthéon, Robinson vous dira qu’il ne pensait pas au Temple de la renommée à ses débuts dans la LNH.
Saison | Équipe | Ligue | PJ | B | A | Pts | +/- | Pun |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1968-1969 | Beavers de Hull | LHJC | 4 | 1 | 0 | 1 | ND | 2 |
1969-1970 | Braves de Brockville | LHJC | 39 | 22 | 29 | 51 | ND | 74 |
1970-1971 | Rangers de Kitchener | AHO | 61 | 12 | 39 | 51 | ND | 65 |
1971-1972 | Voyageurs de la N.-Écosse | LAH | 74 | 10 | 14 | 24 | ND | 54 |
1972-1973 | Voyageurs de la N.-Écosse | LAH | 38 | 6 | 33 | 39 | ND | 33 |
1972-1973 | Canadien de Montréal | LNH | 36 | 2 | 4 | 6 | 3 | 20 |
1973-1974 | Canadien de Montréal | LNH | 78 | 6 | 20 | 26 | 32 | 66 |
1974-1975 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 14 | 47 | 61 | 60 | 76 |
1975-1976 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 10 | 30 | 40 | 50 | 59 |
1976-1977 | Canadien de Montréal | LNH | 77 | 19 | 66 | 85 | 120 | 45 |
1977-1978 | Canadien de Montréal | LNH | 80 | 13 | 52 | 65 | 71 | 39 |
1978-1979 | Canadien de Montréal | LNH | 67 | 16 | 45 | 61 | 50 | 33 |
1979-1980 | Canadien de Montréal | LNH | 72 | 14 | 61 | 75 | 47 | 39 |
1980-1981 | Canadien de Montréal | LNH | 65 | 12 | 38 | 50 | 47 | 37 |
1981-1982 | Canadien de Montréal | LNH | 71 | 12 | 47 | 59 | 57 | 41 |
1982-1983 | Canadien de Montréal | LNH | 71 | 14 | 49 | 63 | 33 | 33 |
1983-1984 | Canadien de Montréal | LNH | 74 | 9 | 34 | 43 | 4 | 39 |
1984-1985 | Canadien de Montréal | LNH | 76 | 14 | 33 | 47 | 32 | 44 |
1985-1986 | Canadien de Montréal | LNH | 78 | 19 | 63 | 82 | 29 | 39 |
1986-1987 | Canadien de Montréal | LNH | 70 | 13 | 37 | 50 | 24 | 44 |
1987-1988 | Canadien de Montréal | LNH | 53 | 6 | 34 | 40 | 26 | 30 |
1988-1989 | Canadien de Montréal | LNH | 74 | 4 | 26 | 30 | 23 | 22 |
1989-1990 | Kings de Los Angeles | LNH | 64 | 7 | 32 | 39 | 7 | 34 |
1990-1991 | Kings de Los Angeles | LNH | 62 | 1 | 22 | 23 | 22 | 16 |
1991-1992 | Kings de Los Angeles | LNH | 56 | 3 | 10 | 13 | 1 | 37 |
Totaux LNH | 1384 | 208 | 750 | 958 | 722 | 793 |
Larry Robinson a négocié son premier contrat avec Claude Ruel dans la cuisine de la demeure de ses parents.
Le gros lot pour un joueur qui était recruté par le Canadien dans les décennies 1950 à 1970 était de se retrouver avec une organisation qui empilait les coupes Stanley.
Il en était de même pour les joueurs qui étaient sélectionnés par les Maple Leafs de Toronto dans les années 1960 et les Red Wings de Detroit dans les années 1950.
Personne ne faisait fortune en faisant carrière dans le hockey. Comme le souligne Marcel Dionne, les choses ont commencé à changer avec la création de l’Association mondiale, en 1972.
Il faut entendre Larry Robinson lorsqu’il raconte les négociations de son premier contrat avec l’organisation du Canadien, à l’été 1971.
Mais Ruel surprend Robinson en augmentant la mise.
Le bonheur parfait pour 14 500 $
L’histoire ne se termine pas là.
Mais Robinson ne les jalouse pas. Il a travaillé 51 ans dans le monde du hockey. Pour la première fois depuis longtemps, il est resté chez lui cette saison. Il lui arrive de donner ses impressions à Craig Berube, entraîneur en chef des Blues de Saint Louis au côté de qui il a remporté sa 10e coupe Stanley, il y a deux ans.
Mais la vie est belle.
Son épouse et lui viennent de prendre possession d’une nouvelle propriété à Ocala, en Floride.
Mais Robinson s’est dévoué beaucoup aussi pour le sport qui l’a fait connaître. Le Canadien était loin de se douter qu’il avait mis la main sur une future vedette.
Guy Lafleur et lui sont devenus les deux premiers joueurs repêchés la même année par la même équipe à être élus au Panthéon du hockey.
Équipe | Année | Joueur |
Montréal | 1971 | Guy Lafleur (1er), Larry Robinson (20e) |
NY Islanders | 1974 | Clark Gillies (4e), Bryan Trottier (22e) |
Edmonton | 1979 | Kevin Lowe (21e), Mark Messier (48e), Glenn Anderson (69e) |
Edmonton | 1980 | Paul Coffey (6e), Jari Kurri (69e) |
Buffalo | 1982 | Phil Housley (6e), Dave Andreychuk (16e) |
Detroit | 1989 | Nicklas Lidstrom (53e), Sergei Fedorov (74e) |
C’est la photo préférée de Marcel Dionne. Six des plus grands joueurs québécois à avoir évolué dans la Ligue nationale posant devant un bronze de Maurice Richard. Henri Richard (407), Marcel Dionne (751), Gilbert Perreault (545), Guy Lafleur (618), Jean Béliveau (586) et Maurice Richard (626) totalisent 3 533 buts en saison régulière et en séries dans la Ligue nationale. Imaginez combien ils auraient gagné avec les salaires d’aujourd’hui.