
La Coupe que personne n’attendait
C’était avant l’Internet, avant les naissances de Max Pacioretty, P.K. Subban et Carey Price.
L’inventeur de Facebook Mark Zuckerberg, âgé de deux ans à l'époque, ne savait sûrement pas encore compter jusqu’à 30, encore moins 30 milliards, sa fortune actuelle.
Bref, ça fait un bail: 1986, l’année de la Coupe que personne n’attendait à Montréal.
Oui, déjà 30 ans.
C’est pourquoi, chers lecteurs, nous vous présentons ce cahier spécial qui commémore la conquête de la coupe Stanley par le Canadien, sa 23e. Notre journaliste Pierre Durocher a parlé à tous les héros de cette formation unique qui a marqué l’histoire. C’est avec plaisir qu’ils ont raconté leurs souvenirs de cette fabuleuse épopée.
L’élimination des Oilers ouvre la voie
Éliminé, le Tricolore terminera sa misérable saison ce soir avec un sentiment de devoir inaccompli. On analysera les causes de la débâcle au cours des prochains jours. Elles sont nombreuses.
On questionnera beaucoup le caractère des joueurs, le coaching, les prises de décisions administratives, les mauvaises embauches, etc.
Il y a 30 ans, rien ne prédestinait le Canadien aux grands honneurs. L’autorité du pilote Jean Perron était sérieusement contestée, la formation était remplie de recrues et les vétérans commençaient à avoir de la broue dans le toupet.
Bof, qu’importe! Dans le temps, on avait les Expos pour égayer le printemps.
Mais inspirés par les jeunes Claude Lemieux et Patrick Roy, le Canadien a confondu tous les pronostics, Bruins, Whalers et Rangers au tapis. Puis ce coup du destin, l’élimination des Oilers par les Flames. Cri collectif des partisans: «Alléluia»!
Une autre époque
Cette année, on ne retrouve aucune équipe canadienne. En 1986, on avait eu droit à une finale toute canadienne entre les Flames et les Canadien.
C’était une toute autre époque.
Cela faisait sept ans que le Tricolore n’avait pas bu le champagne dans la coupe (1979). Dans le temps, c’était considéré une éternité, tellement l’équipe nous avait habitués aux grands honneurs. Sept ans, c’est pourtant rien si on compare aux 23 ans, aujourd’hui, qui nous séparent de la conquête de 1993…
Non, le Canadien de 1986 n’avait pas le talent de la bande à Wayne Gretzky. Mais du caractère, ça, oui monsieur.
Bonne lecture!

« Ma meilleure décision a été de faire confiance à Patrick Roy, qui n’avait que 20 ans »

Jean Perron a bien voulu nous livrer ses souvenirs des séries éliminatoires de 1986, en y allant ronde par ronde.


«Bob était un grand capitaine. Le meilleur que j’ai connu. Un homme à tout faire. Il pensait déjà comme un entraîneur. Gainey avait beaucoup de prestance et il exerçait une forte influence sur les jeunes. Il a été l’un de mes meilleurs alliés en 1986.»


«On a eu nos différends durant la saison, mais Larry était un véritable général à la ligne bleue. Après avoir connu une excellente récolte de 82 points, dont 19 buts, Robinson a été un leader extraordinaire tout au long des séries. Il n’y avait pas un meilleur joueur que lui pour détendre l’atmosphère dans le vestiaire.»


«Patrick a connu des séries exceptionnelles pour mériter pleinement le trophée Conn Smythe. À mes yeux, il a été le meilleur gardien de but de l’histoire de la LNH. J’ai été chanceux de miser sur lui. Si j’ai une bague de la coupe Stanley, c’est grâce à Patrick Roy.»

Il avait réuni ses vétérans pour leur expliquer qu’il était hors de question de congédier Jean Perron

À son arrivée comme président du Canadien à l’automne 1982, Ronald Corey s’était donné comme mandat de redonner l’équipe aux partisans, tout en établissant un plan quinquennal.


«Une blessure à une épaule a mis fin à la carrière de ce valeureux guerrier au mois de mars mais Mario est resté proche de l’équipe puisqu’il a pu commenter notre conquête de la coupe Stanley dans un rôle d’analyste à la télé de Radio-Canada.»


«Il était le Wayne Gretzky du jeu défensif. Un gars intelligent, qui comprenait bien le côté tactique. Carbo avait connu une grosse saison en inscrivant 56 points et il avait poursuivi sur sa lancée durant les séries. Carbonneau était le genre de joueur que tout entraîneur désire avoir dans son équipe.»


«Bobby a été un chef de file à l’attaque. C’était un joueur de centre productif au gros gabarit, comme le Canadien en recherche toujours un aujourd’hui. Deuxième meilleur marqueur de l’équipe avec 86 points, Smith a continué de produire durant les séries en amassant 15 points. Bobby était toujours positif. Il s’entendait bien, notamment, avec Claude Lemieux, ce qui faisait bien mon affaire.»


«Auteur de 21 buts à sa saison recrue, Stéphane a éprouvé certains ennuis d’apprentissage durant les séries mais il a tout de même su marquer quatre buts. Le talent lui sortait par les oreilles.»


«Quelle saison extraordinaire il a connue! Après une récolte de 110 points, Mats en a ajouté 19 en 20 matchs éliminatoires. Naslund était comme un fin renard en zone offensive. Il avait le don de sortir des coins de patinoire avec la rondelle, après avoir endormi les défenseurs. J’ai adoré diriger un tel joueur. Naslund était un vrai professionnel.»


«Un joueur combatif, qui nous permettait de miser sur un excellent troisième trio. McPhee, Lemieux et Skrudland en déplaçaient de l’air sur la patinoire. Skrudland était reconnu pour la qualité de son jeu défensif, mais il peut se targuer de détenir le record pour le but le plus rapide jamais enregistré en prolongation, soit neuf secondes.»


«J’avais dû lui adresser des reproches lors du premier match éliminatoire contre les Bruins mais son attitude fut exemplaire par la suite. Il semait la crainte chez l’adversaire par son style de jeu combatif et robuste.»


«Un ailier de puissance, fiable dans les deux sens de la patinoire. Il a marqué et participé à de très gros buts. Et c’était un maudit bon gars.»


«Le prototype du joueur toujours prêt à se sacrifier pour l’équipe. Ryan avait connu une bonne saison avec une récolte de 49 points avant de se blesser à une cheville. Il est revenu au jeu à temps pour participer à la finale. Je l’employais dans des missions défensives avec Carbo.»


«Il était notre meilleur défenseur à caractère défensif. Rick excellait tout particulièrement dans les situations d’infériorité numérique.»


«Un ailier de puissance qui aurait eu une plus belle carrière à Montréal s’il ne s’était pas blessé sérieusement à un genou.»


«Rappelé de Sherbrooke avec 10 matchs à jouer, Lemieux s’est transformé en franc-tireur durant les séries en enregistrant 10 buts, dont quatre filets victorieux. Et dire que je l’avais retranché à la fin du camp, ce qui l’avait mis hors de lui! Claude s’est créé une réputation d’homme des grandes occasions en 1986, une réputation qu’il a conservée durant toute sa carrière. Il avait un caractère particulier. Il avait le don de tomber sur les nerfs des joueurs adverses, en leur criant toutes sortes de bêtises. Je n’appréciais pas toujours ça. Je me souviens que Claude avait notamment lancé à Charlie Simmer: «Ça me coûte 5$ pour voir ta femme toute nue dans le magazine Playboy. Toi, tu as été obligé de la marier pour la voir nue!» Claude aimait narguer l’adversaire.»


«Chelios et lui se complétaient très bien. Si Chris disputait un fort match, Craig suivait. Mais si Chelios connaissait un match difficile, ça se reflétait dans le jeu de Ludwig.»

«Un formidable défenseur. Je n’ai pas eu d’ennuis avec lui cette année-là. Chelios était fier de jouer pour le Canadien. Il connaissait bien l’histoire du club et il admirait notamment Doug Harvey et Jacques Laperrière.»


«Un bon vétéran, qui s’était malheureusement blessé durant les séries.»


«Cet attaquant suédois avait fait sensation avec 32 buts et 39 passes durant la saison régulière, ce qui lui avait valu d’être finaliste pour le trophée Calder. Le long calendrier a toutefois ralenti son allure durant les séries.»


«Un bon défenseur à caractère défensif. Il a adoré former une paire avec Green. Je les utilisais en infériorité numérique.»


«Gaston avait très bien joué chaque fois que je l’avais inséré dans la formation. Il possédait un coup de patin extraordinaire. Il a eu l’occasion d’évoluer aux côtés de Larry (Robinson) et ça lui enlevait de la pression.»


«Un bon joueur de soutien et un bon joueur d’équipe. Il était rapide.»


«Il s’est blessé en fin de saison et il n’a pas apprécié que je lui préfère Patrick durant l’année, mais un entraîneur n’est pas payé pour gagner des concours de popularité.»
