
CANNES | Elle est devenue une vedette du jour au lendemain après avoir séduit les coachs et les millions de téléspectateurs de l’émission The Voice. Fonceuse, Gabriella n’entend pas en rester là. «J’ai eu de l’attention en France, alors pourquoi pas le monde? Céline Dion l’a fait», confie cette jeune artiste québécoise de 22 ans qui assure que le mot «impossible ne fait pas partie de mon vocabulaire».
La vie de Gabriella a changé le 30 janvier dernier quand, armée de son violon et de sa détermination, on l’a vue se présenter devant les fauteuils de Florent Pagny, Mika, Zazie et Garou, qui lui tournaient le dos.
Dès les premières notes de The Scientist, de Coldplay, les fauteuils ont commencé à se retourner. Un après l’autre, jusqu’à ce que Mika, à la toute fin de la chanson, appuie sur le bouton. C’est finalement lui qui a conduit Gabriella jusqu’aux quarts de finale.
Rencontrée récemment à Cannes – son nouveau statut de star musicale lui a valu une invitation à arpenter la Croisette durant le festival de films –, Gabriella était à la fois encore émerveillée et capable d’analyser tout ce qui est survenu durant les derniers mois.
«J’ai découvert ce que je veux faire en musique. Je veux donner de l’espoir aux gens. Je suis partie de rien, mon rêve, c’était de voyager et faire de la musique. Et c’est ça qui arrive.»

Escapade à New York
Une anecdote tirée de son adolescence révèle que ce n’est pas d’hier que Gabriella, originaire de Saint-Basile-le-Grand, veut faire son chemin dans le milieu de la musique.
À 16 ans, en road-trip familial sur la côte est des États-Unis, elle a obtenu la permission de ses parents d’aller passer deux ou trois jours chez des amies en Pennsylvanie. Or, c’est plutôt à New York, en cachette, que Gabriella s’est rendue. Son objectif? Se faire remarquer.
«Je me suis installée à Times Square avec ma guitare et je chantais des chansons. Ça n’avait pas rapport avec mon accent de merde. Il y a juste des itinérants qui m’ont abordée. Une vraie déception», relate-t-elle.
Un album en français
Déçue peut-être, mais pas découragée. Gabriella s’est retroussé les manches et a étudié la musique au cégep Marie-Victorin (elle peut jouer de plusieurs instruments). L’automne dernier, avant l’aventure The Voice, elle a mis sur le marché un premier album en anglais, The Story of Oak & Leafless, enregistré dans un sous-sol avec son complice musical Christian Sbrocca.
Lancé dans l’anonymat, avec des ventes d’à peine 600 exemplaires dans les premières semaines, l’album a connu un regain de vie grâce à The Voice. Les ventes ont été multipliées au moins par quinze, estime la Québécoise.
Foi de Gabriella, son album aura rapidement un successeur. Afin de profiter au maximum de l’impulsion de The Voice, elle a déjà commencé à composer des chansons. Elle vise le mois de février 2017 pour la sortie. Et cette fois, ce sera en français.
«C’est décidé. Je ne sais pas où j’avais la tête avant. J’avais toujours associé le français à des choses plus petites. Avec l’anglais, je voulais aller aux États-Unis, au Canada, partout. J’ai découvert que la francophonie, c’est plus gros que je pensais. Maintenant, j’ai envie de faire les deux.»
Gabriella sera en concert un peu partout au Québec et en France au cours des prochains mois. On la verra notamment au Festival de jazz de Montréal, le 4 juillet, au Club Soda.

CANNES | Si c’était à refaire, Gabriella ignorerait la recommandation de son coach Mika. C’est avec Zombie, des Cranberries, qu’elle aurait attaqué l’étape des quarts de finale à The Voice.
Mais la Québécoise a plutôt choisi d’acquiescer à la suggestion de Mika d’interpréter Aussi libre que toi, de Calogero, et elle s’est fait montrer la sortie.
«Avoir su que c’était ma dernière prestation, j’aurais mis mes culottes et j’aurais dit que je veux faire Zombie avec un violon électrique. Je la fais déjà en show, alors ce n’est pas perdu. Mais maudit que j’avais envie de la faire», confie Gabriella, qui reconnaît tout de même que le travail de son coach était de la placer devant des défis.
Elle en avait d’ailleurs relevé d’autres avec succès auparavant. On pense notamment à sa relecture de la chanson rap Stressed Out, de Twenty One Pilots, au premier direct.
«Une chanson à The Voice, c’est très important. Ça compte pour 50 % des votes. Quand tu as la bonne, le public va voter beaucoup plus. Avec Stressed Out, j’avais été sauvée par le public et j’avais découvert des affaires vraiment cool. J’avais tellement tripé que je me disais que tant qu’à vivre une expérience comme ça, aussi bien sortir de ma zone de confort.»
Une affaire de gars
Au moment de faire le post mortem de sa belle épopée sur le plateau de TF1, dans un petit restaurant au pied du Palais des Festivals, à Cannes, Gabriella a posé un regard lucide sur The Voice et les minces chances qu’elle avait de se rendre jusqu’en finale.
Un concours de chant populaire comme The Voice, c’est une affaire de gars, fait-elle remarquer. À preuve, tous les participants à la finale étaient de la gent masculine. L’an passé, seule une fille s’est faufilée dans le quatuor ultime dans lequel on retrouvait le Québécois David Thibault.
«Je ne pense pas que j’aurais pu aller plus loin. C’est simple, trois personnes sur quatre qui regardent The Voice, ce sont les petites filles et leurs mamans. Elles votent pour les gars.»
Néanmoins, Gabriella n’est pas ressortie amère de l’expérience. Bien au contraire, elle se félicite d’avoir accepté l’invitation des producteurs de l’émission. Ce sont ses fans qui sont les plus déçus, observe-t-elle.
«Le moment le plus difficile n’était pas de partir, indique-t-elle. C’est quand des gens viennent me voir pour me consoler, qu’ils me disent de ne pas m’inquiéter, de ne pas m’en faire et que j’aurai une grande carrière. Moi, ça va très bien. Je le sais que c’est le début de quelque chose. Ce n’est pas perdu.»

Un concert très spécial à Nice
Et comment, que ce n’est pas perdu! Gabriella a été incapable de faire plus de deux dodos chez elle à son retour au Québec, il y a deux semaines. Un appel de son nouvel agent français l’a fait retourner directement à l’aéroport de Montréal, direction Nice, pour un concert privé devant un groupe sélect d’une dizaine de personnes du milieu du divertissement.
Qui est indirectement responsable de cette occasion inattendue? Celle qui devait être la vedette de la soirée au départ, Liz Rose, une chanteuse country américaine qui a coécrit une vingtaine de chansons avec nulle autre que Taylor Swift.
«Malheureusement, il y a eu un décès dans son entourage et elle ne pouvait plus y aller. Quelqu’un de Nashville a entendu parler de moi et on m’a proposé d’y aller. C’est juste fou quand tu y penses. Je me rappelle avoir fait des recherches sur elle quand j’avais quinze ans. Elle a écrit plein de hits country. Tout à coup, on me dit: hey, on est dans la merde, peux-tu aller la remplacer à Nice?»
Le lendemain, elle était dans une villa dans les hauteurs de la cité azuréenne. Comme une vraie star!

Samuel Busque est tellement convaincu qu’il a trouvé la perle rare en Gabriella qu’il a tout laissé tomber pour devenir son imprésario à temps plein.
Samuel Busque? Les nombreux fans de Noir Silence se rappelleront sans doute le guitariste de la formation de la Beauce qui a connu son heure de gloire dans les années 1990 grâce, entre autres, au succès de la chanson On jase de toi.
Depuis, il avait réorienté sa carrière vers la gérance d’artistes (Tocadéo, 3 gars su’l sofa, Luc Cousineau et Patrick Norman comptaient parmi ses clients) tout en enseignant la musique quelques heures par semaine dans un cégep de Montréal.
Gabriella avait d’ailleurs été une de ses étudiantes. «Mais je ne l’avais pas remarquée plus que ça», se rappelle Busque.
C’est quand l’auteur-compositeur-interprète Christian Sbrocca, qui lui cherchait un gérant, lui a fait entendre un démo de Gabriella que Samuel Busque a flanché.
«Je me suis mis à pleurer tellement c’est venu me chercher au plus profond de mon être», relate-t-il. Il a accepté sur-le-champ de la prendre sous son aile.
«Quand Christian lui a dit qu’il avait trouvé un gérant et producteur et m’a nommé, elle a répondu: tu me niaises, je viens de sortir du cégep avec lui», évoque Busque, amusé.

Sur les traces de René
Pour le musicien beauceron, Gabriella est «un coup de cœur professionnel intense». À ce point intense qu’il a complètement rebâti son entreprise autour de la jeune artiste de 22 ans. «Ça fait trois ans que je travaille avec elle à temps plein.»
Samuel Busque est-il en train de suivre les traces de René Angélil? La question le fait rire.
«Jamais je n’oserais me comparer à René Angélil. Mais oui, je vais suivre cette tendance. Je n’ai plus vraiment de plaisir à jouer, plus vraiment de plaisir à monter sur scène non plus. J’ai vécu ce que j’avais à vivre au cours des 24 dernières années. Par contre, ce qu’on vit tous avec Gabriella, c’est de l’émotion pure. Quand tu n’as plus la flamme et que quelque chose de nouveau t’allume comme ça, il faut que tu t’écoutes et que tu ailles jusqu’au bout.»
Depuis, avec Gabriella et Christian Sbrocca, Samuel Busque se plaît à dire qu’il forme un trio tissé serré à l’intérieur duquel tout se fait en équipe.
Rigueur et détermination
Pourquoi Gabriella? Que voit-il en elle? Samuel Busque parle d’abord de sa «profondeur d’écriture», qu’il qualifie de «très cinématographique». Et puis il y a sa voix, une voix «qui transperce l’âme», s’exalte-t-il.
Mais ce qui l’a surtout séduit, c’est le personnage. Pour son gérant, Gabriella a tous les outils pour réussir.
«C’est une jeune femme qui s’entraîne, notamment au violon, avec une rigueur exceptionnelle. On voit la détermination dans ses yeux. Une autre chose qui m’a frappé, c’est son magnétisme auprès des intervenants. Elle en est presque intimidante. Quand elle est sur scène, on a l’impression de voir éclore un Kurt Cobain pour la force intérieure. Elle a quelque chose qui la dépasse elle-même. Quelque chose de porteur, rassembleur et raffiné.»
La prochaine grande star québécoise? L’avenir nous le dira.


«C’est une artiste qui a bien évolué. Ça fait dix ans que je la suis et je me demande toujours quand elle va tomber. Mais non, elle n’arrête jamais. Elle a su rester authentique sans se limiter dans ses rêves.»

«J’ai été choriste un an pour lui. Ce gars-là est fou. Je pense qu’il a treize compagnies, il court partout. Je le regardais aller et je me disais que le travail dur paye vraiment beaucoup. Mika est un peu comme lui aussi.»

«Son album acoustique m’a vraiment influencée. J’ai grandi en écoutant de la musique pop qui fesse. En écoutant Rice, j’ai découvert que c’était bien de laisser les petites fautes que tu fais à la guitare pendant ton enregistrement ou une fausse note dans ton chant. L’émotion, elle est là.»